La semaine se déroule sous le signe de l'histoire du climat et on tombe sur cette évocation du terrible hiver 1708-1709, issue de : Emmanuel Le Roy Ladurie (Entretiens avec Anouchka Vasak), Abrégé d'histoire du climat du Moyen Âge à nos jours. Fayard, 2007, pp. 60-62.
"On a pu mesurer l'avance de la ligne O°, en particulier entre le 5 et le 7 janvier 1709. La vague d'air arctique des -20° s'avance avec une vitesse de 40km/h vers le sud. A minuit, le 7 janvier, elle atteint les Pyrénées, produisant un choc mortel sur les oliviers et citronniers perpignanais. La carte de Lachiver, s'agissant de 1709, décrit visuellement cette invasion d'air arctique depuis l'Islande jusqu'à la Méditerranée, vague glaciale qui se situe à l'est de l'anticyclone des Açores lui-même refoulé très à l'ouest de l'Espagne et au sud-ouest du Maroc. Cet hiver 1709, fort étale dans la durée, ne compte pas moins de sept vagues de grand froid (...). C'est la vague 4, la plus dure, qui crée une pointe de mortalité. Par ailleurs, elle tue les céréales, qui n'ont pas la couverture de neige protectrice : l'on survivra grâce à l'orge semée au printemps suivant, à la Columelle. Suivant C. Pfister, un anticyclone de type sibérien, avec flux d'air polaire, serait venu de l'est ou du nord-est, dont les effets se sont fait sentir jusqu'à Naples et Cadix : l'Ebre est prise par les glaces, en Espagne. Stockholm connaît encore une gelée en avril, même si par un effet de bascule, le Groenland est épargné. A Paris, on enregistre 19 jours à -10° ; les oliveraies méridionales sont anéanties, et seront remplacées par des vignes. Même si la catastrophe n'est pas équivalente à la famine de 1693, on note de ce fait une hausse de la mortalité ; le prix du froment augmente, passant de 9 livres le setier en juin 1708 à 25 livres en mars 1709, et à 45 en mai-juin 1709, soit un quintuplement pour le moins ! Tous les fleuves et les lacs sont pris, de Riga et Stockholm, à Naples et Cadix. L'Angleterre, plus océanique, est atteinte dans une moindre mesure ; mais Londres connaît une période de gel, depuis Noël jusques à fin mars. Tous les pays du Nord, ainsi que la France, l'Italie, l'Espagne, sont concernés ; les mers sont plus ou moins partiellement gelées sur les bords, la Baltique est couverte de glace encore le 8 avril 1709, ainsi que les rivières, la Meuse est prise à Namur. Les lacs de Constance et de Zürich peuvent être traversés en voiture. De nombreuses espèces d'insectes et d'oiseaux sont anéanties ; les arbres sont gelés jusqu'à l'aubier, comme en témoignent les tree-rings. Le sud de la France est peut-être plus froid encore que Paris ; la Provence perd ses orangers. On mange l'asphodèle, l'arum, le chiendent. Le pain d'avoine arrive jusqu'à la table de Madame de Maintenon... Le dégel, spectaculaire, entraîne de grosses inondations de débâcle en Loire, et fait éclater les arbres. Le bilan, certes moindre qu'en 1693-1694 (1300000 décès en plus !), s'élèvera pour la France à 600000 morts supplémentaires (froid de 1709, famine, sous-alimentation, donc épidémies collatérales)."