mardi 10 juillet 2012

Revenance ornithologique


Il y a une vingtaine d'années, j'arpentais régulièrement les bords des bassins de décantation perdus dans le désert hesbignon. Oasis pour les oiseaux de passage, ces lieux d'abord liés à la culture de la betterave évoquaient la possibilité d'un ailleurs dans une région victime de l'arasement progressif de ses reliefs géographiques et de son passé. Ces grandes étendues d'eaux chargées de boue attiraient chaque année quantité de volatiles venant du Nord ou de retour d'Afrique. Parfois, une tempête emportait jusqu'à ces simulacres d’estuaires l'une ou l'autre espèce inféodée au grand large, perdue et prête à repartir vers des rivages lointains. Observer ces oiseaux et imaginer leurs parcours contribuait à rendre du mouvement et de l'air à une vie de province où tout semblait figé et gris.
De retour dans le coin ce week-end et bien accompagné, j'évoque en passant dans un bois de peupliers le souvenir d'une observation de loriot d'Europe (Orilus oriolus) dans les mêmes parages. La brièveté et l'unicité de cette rencontre m'avaient marqué. Il faut dire que le discret oiseau évolue surtout au sommet de grands arbres et n'est présent chez nous que quelques mois lors de la reproduction. Nous continuons notre promenade. En débouchant de la peupleraie, un chant étrange, flûté et mélodieux, aux phrases courtes et lentes, soudain retentit. Cela pourrait-il être ? Quinze ans plus tard, j'entends à nouveau le loriot, au même endroit de surcroit. En contournant l'arbre d'où provient le chant, nous surprenons l'oiseau sur une haute branche. Quelques secondes et il s'envole pour se cacher ailleurs, fidèle à sa réputation. Il en faudrait peu pour décréter que ce lieu en dehors de l'espace échappe également aux vicissitudes du temps. 
Par leur présence, les oiseaux aussi confèrent aux paysages leur identité. Et quand ils ne sont plus là, notre imagination se plaît à les faire revenir...
L'illustration ci-dessus, représentant bien évidemment le loriot, est une production de l’ornithologue allemand Johann Friedrich Naumann (1780-1857).

1 commentaire:

Kef a dit…

Elle est belle cette histoire. Merci!