vendredi 13 juillet 2012

Chaque espèce est un puits magique



La lecture de Biophilia, la très excitante nouvelle collection chez José Corti, devrait logiquement commencer par Biophilie du célèbre biologiste Edward O. Wilson. "Tendance innée à se concentrer sur la vie et les processus biologiques", la biophilie est définie par l'auteur à travers une série d'essais s'intéressant tour à tour aux fourmis, aux relations homme-serpent ou à l'oiseau de paradis. Dans un premier texte intitulé Bernhardsdorp, Wilson s'attache à exposer sa conception du métier de biologiste, mais il nous semble que le scientifique va beaucoup plus loin. Il s'agit en effet d'un des textes les plus importants qu'on ait lus ces derniers temps, par les réflexions et par le désir de connaissance joyeuse qu'il suscite, bien au-delà du domaine strictement biologique. 
"Chaque espèce est un puits magique" énonce Wilson pour signifier que tout sujet d'étude est inépuisable. Une question en entraîne une autre et ainsi de suite. "Imaginez que vous ramassez une poignée de terre et de feuilles en décomposition et que vous l’étalez sur un linge blanc, à la manière d’un naturaliste de terrain, pour l’examiner de près. Ce monticule anodin contient plus d’ordre et de richesse de structure, et d’histoires parallèles, que les surfaces entières de toutes les autres planètes sans vie. C’est une forêt vierge miniature dont l’exploration pourrait occuper presque toute une vie."
Sous l'impulsion de Fabienne Raphoz, la collection Biophilia "a pour vocation de mettre le vivant au cœur d’éclairages ou de rêveries transdisciplinaires de tous les temps : éthologues, philosophes, zoologues, ethnologues, systématiciens, folkloristes, naturalistes, explorateurs et créateurs (romanciers, poètes, illustrateurs) pourront s’y rencontrer dans le buisson foisonnant des espèces dont le devenir concerne la nôtre." On suit ça de très près avec le Voyage sur le Rattlesnake de Thomas Henry Huxley, ami de Darwin et auteur d'un récit de voyages en Nouvelle-Guinée et en Australie très prometteur...

En attendant, voici encore un extrait de Bernhardsdorp où Edward O. Wilson nous entraîne dans une forêt du Surinam :
"Je me concentrai sur quelques centimètres de terrain et de végétation. Je demandai aux animaux de se matérialiser et ils apparurent par à-coups. Des moustiques d'un bleu métallique descendirent de la canopée à la recherche d'un peu de peau nue, des cafards aux ailes multicolores se perchèrent, tels des papillons, sur des feuilles éclairées par le soleil, des fourmis noires charpentières, gainées de poils d'or, parcouraient en hâte et en file la mousse d'un rondin en décomposition. Je tournai à peine la tête et tous disparurent. Tous ensemble, ils ne composaient qu'une fraction infinitésimale de la vie actuellement présente. Les bois étaient un maelström biologique dont la surface seule se voyait à l'oeil nu. Dans mon champ de vision, des millions d'organismes invisibles mouraient à chaque seconde. Leur destruction était rapide et silencieuse : pas de corps éventrés, pas de sang dégoulinant sur le sol. Les corps microscopiques étaient cassés net par des mandibules biochimiques bien propres, celles de prédateurs et de charognards, puis assimilés pour créer des millions de nouveaux organismes, à chaque seconde."


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