jeudi 8 juillet 2010

Space is the Place

.
.
Dans le domaine des musiques improvisées et assimilées, j'ai ces derniers temps un peu moins écouté de free jazz pour me consacrer à l'improvisation libre, un genre qui continue à me fasciner pour de nombreuses raisons. Ce désintérêt passager m'éloignait du coup de qualités telles que le groove, la communion et la transcendance. J'ai eu la chance ce début de semaine de goûter, au moins momentanément, à nouveau à ces valeurs musicales. De passage à Londres, j'en ai en effet profité pour rejoindre le fameux Cafe Oto où se produisait le légendaire Sun Ra Arkestra, depuis quelques années sous la direction de Marshall Allen.
.
Vu la programmation extraordinaire du lieu et sa situation à Londres, je m'attendais à ce que le Cafe Oto soit une salle "chic", où les boissons sont chères et l'ambiance sérieuse. Il s'avère que l'endroit est plus proche de lieux tels que les Ateliers Claus ou le Bunker pour les Bruxellois ou l'An vert pour les Liégeois. Des divans défoncés dans un coin, un système d'éclairage douteux datant d'une période antédiluvienne, des boissons au prix plus que raisonnable et un public bigarré (avec une mention spéciale pour un Afro-Américain de Louisiane fier de connaître les membres du groupe, des danseuses délurées et un papi bondissant et hurlant). Bref, un endroit cool et chaleureux, comme on en trouve peu dans les réseaux officiels-supermarchés de la culture.
.
Quelques dizaines de minutes d'attente dans une chaleur étouffante et le band arrive sur scène, costumé et hilare. L'obsession du défunt Sun Ra pour l'espace et pour une Afrique fantasmée des pyramides est perpétuée par son Arkestra, outre musicalement, par un décorum scénique où coiffes scintillantes voisinent avec pin's clignotants et capes aux couleurs criardes (d'ailleurs si quelqu'un pouvait me procurer un chapeau du même type, j'en serai très heureux). Voilà pour le décor. La dizaine de musiciens, parmi lesquels on trouve des membres ayant intégré l'Arkestra dans les années 50, 60, 70..., n'a pas fini de s'installer qu'ils commencent déjà à chanter et jouer. Et pendant trois bonnes heures, l'orchestre revisite son immense répertoire avec une joie, et parfois une fureur, communicatives.
.
Entendons-nous bien, ce groupe n'est plus dans une phase d'expérimentation et d'invention. Il continue à tourner tout d'abord pour (se) donner du plaisir, mais aussi pour perpétuer un patrimoine. Et quel patrimoine... A eux seuls, Sun Ra et ses acolytes condensent un immense pan de l'histoire des musiques afro-américaines. Durant la soirée, le public sera emporté de dérives free à des incantations soul en passant par du swing détonnant, des percussions quasi tribales et des ambiances futuristes (grâce à l'EWI, un instrument à vent électronique, de Marshall Allen). Un grand moment donc et qui m'incite à défricher à nouveau une gigantesque discographie. Quelques exemples d'excellents disques : Sleeping Beauty (1979), Landiquity (1978), Angels and Demons at Play (1960)...
.

Aucun commentaire: