vendredi 30 septembre 2011

The Great Park & Cam Deas

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Le concert a lieu ce dimanche 2 octobre au Cercle du Laveu (Rue des Wallons, 45 - Liège). Ce sera bel et bon. Plus d'infos sur The Great Park ici et sur Cam Deas là.
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La danse des possédés (3)

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jeudi 29 septembre 2011

La fabrique des images

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Après une écoute très stimulante du grand anthropologue français Philippe Descola, ce matin à l'ULg, on plonge dans un de ses classiques publiés dans la collection Terre Humaine : Les lances du crépuscule. Relations jivaros. Haute-Amazonie (1993). Dans cet ouvrage, le scientifique faisait état de son suivi des Jivaros Achar en Amazonie. Pour la peine, en voici un extrait ci-dessous (p. 381 de l'édition de poche) avec en prime une illustration de Philippe Munch d'un chamane soignant un malade issue du livre. Ce matin, Descola exposait quelques concepts clés de ses recherches récentes qui concernent "La fabrique des images" (d'après l'intitulé d'une expo qu'il a dirigée au Musée du quai Branly en 2010-2011) : naturalisme, animisme, analogisme et totémisme. Pour en savoir plus, voir ici plusieurs cours donnés au Collège de France à voir et écouter.
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"Bien souvent, les maux qui affligent le client d'un chamane sont imaginaires ou de type psychosomatique. J'ai vu plusieurs fois des gens quasiment à l'article de la mort, ayant abdiqué toute volonté de vivre tant ils étaient persuadés que rien ne saurait les délivrer de leur ensorcellement, et dont j'aurais pourtant parié qu'ils étaient en parfaite santé, vu l'absence apparente de tout symptôme préoccupant. Entraînés par l'un de leurs proches chez un uwishin renommé dont ils gagnaient la demeure avec une peine infinie, ils s'en revenaient quelques jours plus tard d'un pas vif et la mine florissante, délivrés d'un tourment qui n'avait sans doute jamais eu de base organique. Parce qu'ils apaisent l'angoisse de ceux qui les consultent, parce qu'ils les délivrent de l'aliénation terrible du face-à-face avec la douleur et l'inconnu, les chamanes arrivent même à provoquer un mieux-être temporaire chez des gens réellement malades, toute détérioration postérieure de leur état apparaissant moins comme le signe d'un échec que comme l'indice d'un nouvel ensorcellement sans rapport avec le premier. Contrairement à ce que pensent avec une certaine naïveté les missionnaires catholiques qui imputent le présent mercantilisme des chamanes jivaros à une navrante dégradation des valeurs antiques, il semble bien que le réconfort apporté par la cure soit proportionnel à son prix. Chacun sait ici que la guérison est d'autant plus rapide qu'elle a coûté plus cher, les chamanes ayant compris ce que les psychanalystes ont découvert tardivement, à savoir qu'il faut littéralement "payer de sa personne" pour faire d'une situation de dépendance la condition de son propre salut."
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mercredi 28 septembre 2011

La danse des possédés (2)

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On est à nouveau fasciné par ce clip qui mettait bien en avant le dispositif du néozélandais Greg Malcolm. Souvenirs aussi de l'excellent concert que le bonhomme nous avait offert en octobre 2010, il y a bientôt un an, presque un siècle en fait. Juste avant sa prestation, on avait projeté Les Saisons (1972) d'Artavazd Pelechian. Ce n'était décidément pas un soir comme les autres. Il faut également aller écouter sa version de Lonely Woman d'Ornette Coleman, qui reste démoniaque. La photo ci-dessous prise lors du concert à Liège vient de chez le Ruffian.
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La danse des possédés (1)

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On inaugure une nouvelle section avec un extrait de Coin Coin Chapter One : Gens de couleur libres (Constellation, 2011) de Matana Roberts. Un album incroyable où free jazz, Histoire, révolte et fantômes auront rarement été aussi bien invoqués.
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La danse des possédés, c'est une section qui présentera désormais des tubes (au sens large, on s'en doute) beaux et furieux comme la bave aux lèvres ou les vagues qui explosent sur des falaises d'ailleurs.
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dimanche 25 septembre 2011

Le paradis blanc (6)

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S'il est commun d'affirmer que nos lectures d'enfance nous construisent, peut-on replonger dans nos premiers livres afin de mieux se "connaître" ? Je me souviens peu de mes premiers émois de lecteur. Plutôt que des titres, je peux me remémorer de sensations, le monde n'existait plus, le livre était comme une matérialisation de mon imagination. Il avait été écrit pour MOI, pas de doute. Parmi les premiers romans lus et relus durant de longues journées d'oisiveté, je peux citer l'Histoire sans fin de Michael Ende, Les animaux dénaturés de Vercors ou La machine à explorer le temps de H.G. Wells. Et il y eut Les enfants de Noé de Jean Joubert. L'empreinte laissée par cette histoire était telle que je n'ai pas pu m'empêcher de le relire récemment. Et j'ai compris un certain nombre de choses... Les évènements décrits ont lieu dans le futur, en 2006. Une famille de citadins est partie vivre dans une ferme à la montagne. Tout va bien, mais un matin, la neige commence à tomber et ne s'arrête plus jusqu'à ce que la maison soit entièrement recouverte. Coincée, la famille doit s'organiser pour survivre : nourriture, chauffage et hygiène mentale. La lecture, encouragée par le père, joue un rôle primordial dans le maintien de l'optimisme. Évidemment, l'histoire se termine bien : après quelques semaines, la neige fond et le retour au monde peut avoir lieu. Il est difficile de trouver autant de thématiques aussi importantes (pour moi en tout cas) regroupées au sein d'un même ouvrage : la fin d'un monde, le retour à la nature, la survie et la discipline de vivre, la famille comme rempart, la montagne comme probable paradis perdu, la lecture comme fin et comme moyen, l'isolement qui libère et rend plus fort. Je garde le livre, il est là, à portée de main. Je sais que quoi qu'il arrive, j'ai ce talisman, je suis prêt, je n'ai peur de rien.
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vendredi 23 septembre 2011

Le paradis blanc (5)

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Quelques photographies anciennes de bonshommes de neige. J'avoue que la première, datée de 1902 et prise à Summit dans l'Oregon, donne furieusement envie d'en savoir plus. The Wicker Man in Far West ?
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jeudi 22 septembre 2011

Le paradis blanc (4)

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D'abord, il y a ce nom incroyable : Akira Rabelais. Issu d'une alliance improbable entre science et magie, il semble promettre un ailleurs indéfinissable. Et puis, il y a ce disque Spellewauerynsherde (Samadhisound, 2004) qui, après plusieurs années d'écoutes répétées, parvient toujours à me faire lâcher prise, à me faire considérer ce qu'il n'est pas comme à travers un brouillard épais. L'album du retrait par excellence. L'obsession du musicien pour de vieux enregistrements de chants traditionnels islandais l'a poussé à composer un album entièrement basé sur ceux-ci. D'abord avec une approche très respectueuse, voire craintive, le musicien laisse se développer la poésie et la solennité des chants féminins a cappella récupérés. D'emblée, on glisse sur la glace, on voit des volcans au loin et on imagine des processions rythmées par "ces voix qui se sont tues". Au fur et à mesure de l'album, les manipulations imposées aux mélopées par filtrage, réverb ou écho les rend de plus en plus abstraites. Le chant mélancolique devient alors un vent sans pitié, un blizzard effrayant. Du sensible humain, on est parvenu au terrible des éléments, du beau au sublime en quelque sorte.
Ici, la pièce d'ouverture.
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mercredi 21 septembre 2011

Le paradis blanc (3)

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On découvre la peinture enneigée du Russe Ivan Shishkin (1832-1898). La première toile est conservée au Museum of Russian Art à Kiev et la seconde au State Russian Museum à Saint-Pétersbourg. Sibérie, Call of the Wild, Caspar David Friedrich, Romantisme, chute de Robert Walser : toutes ces associations d'idées entraînent une agréable songerie qui retarde le moment de l'utilitarisme.
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lundi 19 septembre 2011

Le paradis blanc (2)

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On continue la semaine du froid avec deux textes frissonnants trouvés dans l'indispensable anthologie de Jerome Rothenberg Les techniciens du sacré (José Corti, 2007, pp. 295-296). Il s'agit de poèmes en prose esquimaux issus du classique de Knud Rasmussen Intellectual Culture of the Iglulik Eskimos (Copenhague, 1930). Et en bonus, quelques photographies d'Esquimaux réalisées par Edward S. Curtis en 1929 (avec notamment de la viande de baleine qui sèche en 3e position).
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"Mère & Enfant

Une femme enceinte mit au monde un enfant. À peine l'enfant était-il né qu'il se jeta sur sa mère & la tua. Puis il se mit à la manger.

Brusquement l'enfant s'écria:

Le petit doigt de ma mère est resté coincé en travers de ma gorge & je n'arrive pas à le retirer.

Sur ces mots, l'enfant se donna la mort, après avoir tué & dévoré sa mère

(raconté par Inugpasugjuk)

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La femme qui élevait une larve

Il était une fois une femme stérile qui ne pouvait pas avoir d'enfant. Elle finit par adopter une larve, qu'elle nourrissait en lui faisant sucer ses aisselles. Au bout de peu de temps, la larve se mit à grossir. Mais plus elle grandissait, et moins la femme avait de sang pour la nourrir. Elle allait donc souvent marcher dans le voisinage, pour activer sa circulation. Mais elle ne restait jamais longtemps loin de chez elle, car elle pensait sans cesse à sa larve chérie & se hâtait d'aller la retrouver. Elle lui manquait tellement, elle s'était tellement entichée d'elle que chaque fois, en arrivant dans l'entrée de sa maison, elle l'appelait en disant:

Oh, toi mon petit qui sais siffler, fais-moi"ti-i-i-i-I-I".

Et à peine avait-elle dit ça, que la larve lui répondait:

"ti-i-i-i-I-I".

La femme se hâtait alors d'entrer, prenait la larve sur ses genoux et lui chantait:

Toi mon petit qui m'apporteras de la neige

quand tu auras grandi

Toi mon petit qui m'apporteras de la viande

quand tu auras grandi...

Puis elle se mettait à la mordiller de partout, tellement elle l'aimait.

La larve grandit & finit par devenir énorme. Elle se mit alors à ramper dans le village, entre les maisons, & les gens avaient peur d'elle & voulaient la tuer-d'une part parce qu'ils avaient peur & d'autre part parce qu'ils se disaient que c'était vraiment une honte de rester les bras croisés, alors que cette malheureuse pâlissait de jour en jour, tant elle donnait de son sang.

Aussi, un jour où la femme était partie en visite, ils se rendirent dans sa maison & mirent la larve dehors, la poussant dans le caniveau. Puis les chiens se jetèrent sur elle et la déchiquetèrent. Le sang giclait de partout, car la larve en était pleine.

La femme revint de sa visite sans nourrir le moindre soupçon & une fois arrivée chez elle, elle appela la larve comme à son habitude. Mais personne ne lui répondit & la femme s'exclama:

Oh ils ont chassé de chez moi on enfant chéri.

Elle fondit en larmes & pénétra dans sa demeure en pleurant.

(raconté par Ivarluardjuk)"
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dimanche 18 septembre 2011

Le paradis blanc (1)

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Ce dimanche 25 septembre au Cercle des Cinés (Rue des Wallons, 45 à Liège, quartier du Laveu) sera présenté The Great White Silence de Herbert Ponting (UK, 1924, 106'). Les portes ouvrent à 20.00 et on commence à 20.30. Seront en outre présentées quelques musiques liées au thème du froid et seront offerts quelques Calippos.
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Au début du XXe siècle, les grandes expéditions d’exploration connaissent un dernier sursaut avec des destinations qui restent encore sauvages et inconnues : les pôles. Ces points géographiques attisent les passions de pays qui en déposant là leur drapeau veulent étendre leurs possessions territoriales, mais aussi démontrer le dynamisme de la nation. La course au pôle Sud sera remportée par le Norvégien Roald Amundsen le 14 décembre 1911. Il double ainsi son concurrent britannique Robert Falcon Scott qui lui, ne l’atteindra que quelques semaines plus tard, le 12 janvier 1912.

L’expédition de Robert Falcon Scott pour la Royal Navy est entrée dans la légende notamment en raison de son issue tragique. Le Terra Nova, le trois-mâts dirigé par Scott, arrive à la barrière de Ross le 4 janvier 1911. Un campement est organisé afin d’hiverner (dans la nuit polaire, les températures tournent autour de – 65°) et d’attendre le prochain été austral pour parcourir les 1450 kilomètres qui séparent les hommes du pôle. Fin 1911, ils démarrent avec chevaux, chiens et traîneaux à chenilles, mais bien vite, les rations commencent à manquer, les animaux sont décimés et les machines hors circuit. Ce sont quatre hommes qui arrivent au pôle, dépités et vaincus par l’équipe norvégienne. Leur retour est un véritable calvaire. Dans des températures de plus en plus basses, épuisés, affamés, les derniers explorateurs finissent par être immobilisés dans leur tente par une tempête durant plusieurs jours. On ne retrouvera les corps gelés dans leurs sacs de couchage que sept mois plus tard…

Avant le tournage de Nanouk l’Esquimau par Robert Flaherty (1922), cette expédition est l’occasion de conférer aux immensités glacées leurs lettres de noblesse dans le domaine du cinéma. En effet, le capitaine Scott est accompagné du photographe et cinéaste Herbert Ponting qui va ramener quantité de pellicules et de clichés documentant le voyage. Plusieurs montages de son film sortiront en 1911, en 1914, en 1924, puis en 1933. Une restauration récente de la pellicule par le British Film Institute permet de lui conférer enfin la place qu’il mérite dans l’histoire du cinéma. Le film est caractérisé par la beauté parfois effrayante des paysages rencontrés, mais aussi par divers artifices de montage, de coloration de la pellicule et d’intégration de photographies en stop motion.

Suite à la restauration de l’œuvre, la réalisation d’une nouvelle bande-son a été confiée à Simon Fisher Turner. Son travail a consisté à apporter une réflexion musicale sur le silence qui règne sur la banquise. Dans sa composition, on entendra notamment la cloche du Terra Nova, des disques enregistrés avant 1911 et emportés à l’époque sur le bateau (notamment un aria de Madame Butterfly de Puccini) et même du silence capté en 2010 dans ce qui subsiste de la cabane de Scott ! L’heureuse combinaison des images de Ponting et de cette musique font de la vision du film une incroyable expérience sensorielle.

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