mercredi 30 avril 2014

Paradigme indiciaire (20)






Quelques exemples des "cartes et lignes d'erre" réalisées à l’initiative de Fernand Deligny. Avec quelques explications ci-dessous, issues du livre consacré à ce sujet et publié aux éditions L'Arachnéen. Et on va voir ou revoir les films de Deligny et ses comparses, dont le magnifique Le moindre geste, publiés dans la collection Le geste cinématographique.

"En 1968, Fernand Deligny fonde un réseau de prise en charge d’enfants autistes dans les Cévennes, à Monoblet. Quelques années plus tard (1975-1976), il consacre trois numéros de la revue Recherches, fondée par Félix Guattari, à cette expérience qu’il mène en marge des institutions éducatives et psychiatriques. Deligny n’est pas psychiatre. Il parle d’ailleurs plus volontiers d’enfants mutiques qu’autistes. À une époque où la prise en charge de l’autisme infantile est encore mal assurée, il propose un milieu de vie organisé en aires de séjour dans lesquelles les enfants vivent le coutumier auprès d’adultes non diplômés (ouvriers, paysans, étudiants). À ces éducateurs qui n’en sont pas – il les appelle les présences proches -, il propose de transcrire les déplacements et les gestes des enfants. Dans chacune des aires de séjour – situées à une quinzaine de kilomètres les unes des autres – et durant dix ans, au jour le jour (le soir ou le lendemain, parfois plusieurs jours après), les adultes tracent des cartes sur lesquelles ils reportent leurs propres trajets puis, sur des calques, les lignes d’erre des enfants. « Pour rien, pour voir, pour n’avoir pas à en parler, des enfants – là, pour éluder nom et prénom, déjouer les artifices du IL dès que l’autre est parlé. » Ces cartes ne servent ni à comprendre ni à interpréter des stéréotypies ; mais à « voir » ce qu’on ne voit pas à l’œil nu, les coïncidences ou chevêtres (lignes d’erre qui se recoupent en un point précis, signalant qu’un repère ou du commun se sont instaurés), les améliorations à apporter à l’aménagement de l’espace, le rôle des objets d’usage dans les initiatives des enfants, leur degré de participation à telle tâche coutumière au fil des jours, l’effet sur eux du geste pour rien d’un adulte (un signe, un repère supplémentaire), etc."
 

mardi 29 avril 2014

Des milliards de pères (4)



J'ai des milliards de pères.
Lui m'apprend à tenir mon crayon sans rougir.

lundi 28 avril 2014

Le terril (14)


 

Je ne saurai rien de ma vie
sang obscur et monotone.
Je ne saurai rien, qui j'aimais, qui j'aime
maintenant que replié, réduit à mes
membres,
dans le vent pourri de mars
j'énumère les maux des jours déchiffrés.
Des branches déjà s'envole la fleur maigre
Et moi j'attends
la patience de son vol irrévocable.
(Salvatore  Quasimodo)

Le plus beau film belge, peut-être un des plus beaux films de l'histoire du cinéma, a été tourné sur des terrils.
Déjà s'envole la fleur maigre de Paul Meyer (1960) n'est toujours pas disponible en dvd. Nous sommes en 2014. Et moi j'attends la patience de son vol irrévocable...

dimanche 27 avril 2014

jeudi 24 avril 2014

Des milliards de pères (3)





J'ai des milliards de pères.
Eux m’apprennent à tenir sur une branche et à devenir une abeille.

jeudi 10 avril 2014

Le peintre (5)


Tu as seize ans, Le Peintre, et tu dois bien apprendre un métier. Fils de peintre, tu deviendras peintre. Et ton père de t'emmener à l'atelier pour préparer les couleurs, encoller les panneaux, et nettoyer les pinceaux. Il n'y a pas de débuts modestes, il n'y a que des apprentissages. Fils de, on aurait pu penser que tu jouirais d'une situation privilégiée au sein de l'entreprise paternelle. Mais tu dois bien vite te rendre à l'évidence. Durant quatre ans, tu vas morfler. Ton père, ses apprentis, tes frères même te voient d'un mauvais œil. Ils te feront bouffer de la garance, te jetteront de la poudre d'azurite dans les yeux, te défriseront à l'huile de lin. Et puis aussi, ils t'enfermeront dans la caisse d'une retable à destination du Nord dont tu sortiras, exsangue, après plusieurs jours de cris et de nausées. Et ne mentionnons même pas les savates, coquarts, croche-pieds qui seront ton quotidien de futur maître. Et puis il y a ces soirs où seul, tu termines le nettoyage autour des chevalets. Le soleil passe à travers la fenêtre, te brûle les yeux et toi aussi, malgré tout, tu éprouves de la joie. Et ce leurre de te faire exister, de faire en sorte que l'Histoire soit. Et que je révèle ton calvaire à mon profit. Merci Le Peintre, et prends le bus.

mercredi 9 avril 2014

Vers les cimes (41)


"Nous finissons la soirée dans un lieu obscur qui est une manière de Farolito, parlons de nos vies, de nos errements, de nos peurs, d'amis communs. Sur le chemin du retour, descendant à pied la rue Pasteur, pas très loin de la rue Savorgan-de-Brazza, je songe qu'il est tout de même curieux que nos vies puissent emprunter de si labyrinthiques parcours. Qu'elles soient vides à ce point, sans doute. D'avoir hérité d'un monde où tous les cours d'eau, tous les oiseaux portent des noms. Et qu'il est réconfortant d'avoir ici des amis."

Extrait de Patrick Deville, Equatoria, 2009.

Des milliards de pères (2)


J'ai des milliards de pères.
Lui m'apprend à viser juste.

mercredi 2 avril 2014

La danse des possédés (89)



Dans le train, un homme agite quelques papiers d'un air nerveux. Il a rendez-vous à la capitale. Espère-t-il obtenir un travail, défendre ses droits ou ceux d'une cause, rencontrer un supérieur mécontent ? L'heure n'est en tout cas pas à la fête. Ses cheveux tombent et les tâches de transpiration à ses aisselles s'étendent. On a rarement l'occasion de voir un homme se liquéfier de la sorte devant soi. Et cela ne m'amuse guère, je vais devoir me résoudre à dire quelque chose. D'un coup, il se ressaisit et fouille dans son sac avant d'en sortir L'art de la guerre de Sun Tzu, commence à le lire, et d'une flaque, il devient un soldat. Et il m'annonce : "L'art de la guerre, c'est de soumettre l'ennemi sans combat." C'est fou tout ce qu'il se passe dans un train. 
En avant.