mercredi 30 décembre 2009

Au revoir et merci !

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Quelques disques :

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- Sacred Flute Music from New Guinea (Rounder).

- Rhodri Davies, Michel Doneda, Louisa Martin, Phil Minton et Lee Patterson, Midhopestones (another timbre).

- Luc Ferrari, L'oeuvre électronique (INA).

- Peter Evans, Nature/Culture (PSI).
- Christof Kurzmann et Burkhard Stangl, Neuschnee (Ertswhile).
- Yannick Dauby et Wan-Shuen Tsai, Village, vestiges (Shejingren).
- Dinu Lipatti, Le dernier récital. Besançon, 19 septembre 1950 (EMI CLassics).
- Mostly Other People do the Killing, This is our Moosic (Hot Cup).
- Dave Philips, Field Recording (Little Enjoyer).
- Group Doueh, Treeg Salaam (Sublime Frequencies).
- John Butcher, Resonant Spaces (Confront).
- Emeralds, What happened (No Fun).
- Oneohtrix Point Never, Rifts (No Fun).
- Bill Orcutt, A New Way to pay Od Debts (Palilalia).
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Quelques concerts :
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- Jason Lescalleet et Greg Kelley (Fresnes-en-Woëvre, Festival Densités).
- Birgit Ulher et Heddy Boubaker (Fresnes-en-Woëvre, Festival Densités).
- Fred van Hove, Paul Rogers et Wilbert de Joode (Groningen, Eglise de Fransum, Zomer Jazz Fiets Tour).
- Omar Souleyman (Hasselt, Cultuur Centrum België).
- Chris Corsano et Mick Flower (Anvers, Scheld'Apen).
- Sonic Youth (New York, United Palace Theatre).
- James Ferraro (Liège, Carlo Lévi).
- Cecil Taylor et Tony Oxley (Anvers, De Singel, Follow the Sound Festival).
- Neokarma Jooklo Trio (Liège, Chapelle Saint-Roch en Volière).
- Joe Morris, Louis Belogenis et Rashid Bakr (New York, Lower East Side, Local 269).
- Gustav Leonhardt + Wieland Kuijken (Beaufays, Eglise Saint-Jean l'Evangéliste).
- The Ex (Cologne, Nozart Festival).
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Quelques livres :
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- Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne (1936).
- Jean Rolin, Un chien mort après lui (2009).
- Daniel Sada, L'odyssée barbare (Porque parece mentira la verdad nunca se sabe, 1999).
- Anatole France, Les dieux ont soif (1912).
- Joseph Roth, La marche de Radetzky (Radetzkymarsch, 1932).
- Jean-Yves Jouannais, Artistes sans oeuvres (1997).
- Jean-Pierre Martinet, Jérôme (1978).
- Tolstoï, La mort d'Ivan Illitch (Smert' Ivana Ilyicha', 1886).
- Thomas Glavinic, Le travail de la nuit (Die Arbeit der Nacht, 2006).
- Willem Frederik Hermans, Ne plus jamais dormir (Nooit meer slapen, 1966).
- Ombre de la mémoire. Anthologie de la poésie hispano-américaine (2009).
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Quelques films :
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- Miguel Gomes, Ce cher mois d'août (Aquele querido mês de agosto, 2008).
- Raymond Depardon, La vie moderne (2008).
- Johan van der Keuken, Vacances prolongées (De Grote Vakantie, 2000) et Les vacances du cinéaste (Vakantie van de Filmer, 1974).
- John Ford, Qu'elle était verte ma vallée (How Green was my Valley, 1941).
- Michael Mann, Ennemis publics (Public Enemies, 2009).
- Alain Guiraudie, Pas de repos pour les braves (2003).
- Robert Bresson, Procès de Jeanne d'Arc (1962).
- Maurice Pialat, Sous le soleil de Satan (1987).
- Isidore Isou, Traité de bave et d'éternité (1951).
- Nicolas Philibert, Le pays des sourds (1992).
- Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Sicilia ! (1998).
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lundi 28 décembre 2009

Un autre timbre

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Depuis quelque temps, je suis particulièrement attentif aux sorties du label anglais another timbre. En matière d'improvisation, ce dernier est un des plus riches et des plus inventifs de ces dernières années. Le premier numéro du catalogue, Tempestuous. The contest of pleasures de John Butcher, Xavier Charles et Axel Dörner, augurait en 2006 d'un parcours passionnant. Depuis, les publications associent pionniers européens de l'improvisation libre (Evan Parker, Phil Minton...) et plus jeunes têtes chercheuses (Ingar Zach, Angharad et Rhodri Davies, Lee Patterson...).
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Le nom du label correspond à merveille aux sonorités développées par les musiciens. Sans pour autant parler d'unité stylistique, on remarquera une prédilection pour des ambiances orageuses (on avait évoqué le magnifique Midhopestones ici) et pour des instruments hétérodoxes souvent difficiles à identifier à l'écoute seule (les sculptures sonores de Max Eastley, les objets amplifiés de Lee Patterson, l'accordéon d'Alfredo Costa Monteiro...). Ces caractéristiques font de ces disques de pures merveilles pour qui veut s'immerger dans un monde étrange, parfois déstabilisant. Les échanges entre musiciens s'y font sous des modes inhabituels, les textures y sont granuleuses et les masses sonores tantôt grondantes et fuyantes, tantôt déferlantes et assourdissantes.
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Le label organise un excellent festival dont la prochaine édition aura lieu les 21 et 22 janvier à Londres au Cafe Oto. Le harpiste Rhodri Davies donnera un concert le 19 janvier au QO-2 à Bruxelles. Le même lieu accueillera en résidence la violoniste Angharad Davies du 11 au 20 février. Cette dernière jouera dans notre salon le vendredi 12 février en compagnie du joueur d'épinette Christoph Schiller (plus d'infos bientôt !).
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Quelques disques hautement recommandables :
- Tempestuous. The Contest of Pleasures, John Butcher (saxophone), Xavier Charles (clarinette) et Axel Dörner (trompette).
- Centre of Mass, Alfredo Costa Monteiro (cymbale et objets résonnants).
- Dark Architecture, Max Eastley (arc et sculptures sonores) et Rhodri Davies (harpe électrique).
- Decentred, Tom Chant (saxophone et clarinette basse), Angharad Davies (violon), Benedict Drew (électroniques) et John Edwards (contrebasse).
- Midhopestones, Rhodri Davies (harpe et électronique), Michel Doneda (saxophone soprano), Louisa Martin (laptop), Phil Minton (voix) et Lee Patterson (objet amplifiés).
- Empty Matter, Lucio Capece (saxophone soprano et clarinette basse) et Lee Patterson (objets amplifiés).
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Les planches ci-dessus sont issues d'un Catalogue d'instruments de musique quadrilingue de la première moitié du XXe siècle publié sur le site de Jean-Luc Matte.
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vendredi 25 décembre 2009

Des millions d'épicéas morts dans les salons


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Je préfère regarder ce clip plutôt que reprendre un morceau de bûche.
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dimanche 20 décembre 2009

Voir et pouvoir

Image issue du film russe de Dziga Vertov L'homme à la caméra (Человек с киноаппаратом, 1928-29)
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Mon intérêt pour l'histoire du cinéma documentaire s'est encore accru ces derniers temps grâce au très intéressant fascicule consacré au sujet par Patrick Leboutte Ces films qui nous regardent. Une approche du cinéma documentaire (publié en 2002 par la Médiathèque de la Communauté française). Outre la présentation de plusieurs films marquants (L'homme d'Aran de Robert Flaherty (1934), Déjà s'envole la fleur maigre de Paul Meyer (1960) ou Babel de Boris Lehman (1991)), on y trouve une filmographie des plus grands classiques du genre (ici, une version condensée de cette liste) qui comprend nombre de mes réalisations favorites.
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Le texte sur L'homme d'Aran, par Jean-Louis Comolli, m'a donné l'impulsion de me plonger dans son imposant recueil d'essais critiques et théoriques Voir et pouvoir. L'innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire (Verdier, 2004). Outre sa carrière dans le cinéma, Comolli a également co-rédigé avec Philippe Carles le splendide essai Free Jazz Black Power (qu'on mentionnait déjà ici). Voir et pouvoir présente les articles dans un ordre chronologique, depuis 1988. Chaque année est introduite par des souvenirs de l'auteur, des ébauches de réflexion qui donnent une cohérence à un ensemble qui est bien plus qu'une accumulation de textes sur des sujets divers.
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Car les convictions de Comolli sont fortes et passionnées. Ses interrogations sur la frontière entre fiction et documentaire, sur le choix et la signification de tel ou tel autre type de mise en scène, sur l'implication du spectateur dans le processus de création cinématographique et sur la nature, forcément politique, de toute entreprise filmique sont creusées au fil de textes enthousiasmants. Entre des analyses pointues de l'émission Bas les masques ou de L'homme à la caméra de Dziga Vertov, l'auteur questionne les tenants et aboutissants d'un médium aux rapports ambigus avec la société spectaculaire qui l'a engendré. Les propositions stimulantes parsèment les pages de cet ouvrage de plus de 700 pages. Ci-dessous, un extrait d'un texte intitulé Si on parlait de mise en scène ? (17 août 1992) :
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"1. Une question : à quoi sert la mise en scène ?
Un postulat : aujourd'hui, la mise en scène ramène du réel dans ses filets.
Une réponse : la mise en scène sert à poser la question du spectateur à un système de représentation médiatique (télévision, news, pubs...) qui non seulement ne la pose pas, a peur de la poser, mais encore fait tout pour la refouler.
La mise en scène, c'est la question de la place du spectateur, de la définition du spectateur, de la supposition d'un spectateur comme sujet à part entière, être désirant, être pensant, être social. Non pas qui regarde quoi (consommation, spectacle) mais qui regarde qui - accrochage et prise à l'autre plus ou moins assurés, distance à l'autre et à soi plus ou moins grande, reconnaissance, peur, changement...
Bref, mettre en scène, c'est considérer le spectateur comme susceptible de se transformer, désireux et capable de changer de place. Comme un être disposant d'un devenir. Qui s'intéresse à sa relation aux autres. La mise en scène est l'art de la mise en relation.
C'est précisément cela que la pratique la plus habituelle de la télévision interdit. Les places sont assignées. Comme dans un jeu télévisé. Comme dans les débats politiques télévisés.
On ne change pas de place = on ne change pas. La télévision telle qu'elle est faite par les programmateurs est une machine à conserver. Que rien ne bouge. Conserver des spectateurs... conserver les spectateurs - qu'ils ne changent pas, ni de chaîne ni de vie. Les formes dominantes à la télévision aujourd'hui jouent le surplace. Elles fabriquent de l'immuable. On ne parle plus de la mort : on la répète tous les soirs. (...) "
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Les éditions Verdier viennent d'éditer une autre collection de textes de Jean-Louis Comolli : Cinéma contre spectacle. Merci à Globe Glauber pour Ces films qui nous regardent !
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vendredi 18 décembre 2009

Flûtes sacrées

1994, Middle Sepik River, Papua New Guinea - Papua New Guinean Sacred Flute Players - (Image by © Chris Rainier/CORBIS)
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Récemment, j'ai visionné le portrait du musicien, théoricien de la musique et critique David Toop I never promise you a rose garden (un film présenté plus en détails ici et réalisé dans le cadre de la série de l'Observatoire des Musiques Electroniques par Guy-Marc Hinant de Sub Rosa et Dominique Lohlé). Les discussions amorcées autour de l'écoute de certains des disques de l'immense collection de Toop semblent le plus souvent en revenir à ce questionnement crucial : qu'est-ce qui est de la musique ? Le fait d'être captés (ou simplement écoutés in situ) confère-t-il à des sons divers (cérémonies, chants d'animaux, phénomènes climatiques...) un statut semblable à des oeuvres musicales, qu'elles soient improvisées ou écrites ? Ces propos sont illustrés par des enregistrements fascinants, dont on s'est empressé de prendre note (de la musique de cour coréenne, des oiseaux du Venezuela, du John Cage, les grenouilles de Felix Hess...).
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Parmi ces disques, les deux volumes de Sacred Flute Music from New Guinea (publiés initialement sur Quartz, le label de David Toop, en 1977 et réédités en 1999 par Rounder) balaient toute hésitation. Il s'agit probablement de la musique la plus 'essentielle' que j'ai pu entendre ces derniers temps. D'après les notes du livret, les flûtes, toujours par paires (une mâle et une femelle), sont jouées uniquement lors de certaines cérémonies bien précises (initiations, mariages...). Seuls les hommes ont le droit d'en user et même de les voir ou de les conserver. Leur interprétation est accompagnée de percussions sur des tambours à fentes, des garamuts décorés, et parfois de chants. Les sons de flûtes correspondent aux voix des esprits qui communiquent leurs pouvoirs aux humains. Le rôle et le statut des musiciens, par la médiation qu'ils apportent, sont donc très importants. D'ailleurs, l'apprentissage de l'instrument nécessite de nombreuses années.
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En dehors de ces considérations, leur musique est d'une beauté à couper le souffle. L'alternance entre divers interprètes (un souffle tandis que le suivant inspire et ainsi de suite) induit des structures cycliques qui évoquent par moments les musiques minimalistes occidentales les plus hypnotisantes. Langoureuses, s'épanouissant dans la durée, ces plages évoquent un monde étrange et (presque) éteint où la magie joue un rôle capital. Une musique de début et de fin du monde parfaite pour s'évader, ailleurs que dans les officines de l'exotisme bon marché...
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lundi 14 décembre 2009

vendredi 11 décembre 2009

Archives sauvées des eaux

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Après avoir exploré les diverses facettes de l'oeuvre du compositeur Bernard Parmegiani, j'ai découvert un deuxième coffret consacré par l'INA à un des musiciens français les plus importants des dernières décennies : Luc Ferrari (1929-2005). Collaborateur de Pierre Schaeffer, ce dernier n'a eu de cesse d'élargir les limites de la musique concrète en y intégrant notamment enregistrements de terrain et éléments autobiographiques. L'importance de la narration se fait souvent sentir, comme dans les fameux Presque rien (1967-1989) où Ferrari participe à l'invention du paysage sonore en tant que forme d'art propre.
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A la fin de sa vie, le musicien confronte son talent à celui de géniaux improvisateurs : eRikm et Otomo Yoshihide. Le projet Archives sauvées des eaux (2000) est issu d'un accident. Comme s'en explique Luc Ferrari : "Un jour, en arrivant à mon atelier, je me suis aperçu qu'une inondation était en train de se fabriquer un passage à travers le plafond et les gouttes d'eau tomber sur mes bandes magnétiques représentant des travaux assez anciens. J'ai dû descendre des rayonnages une pile de boîtes. En les ouvrant, les cartons trempés et les bandes mouillées, je les ai éparpillées sur le sol comme pour la fabrication d'un grand puzzle.
Ainsi, l'idée d'actualiser ces archives est née d'une nécessité de les sauvegarder sur CD.
En copiant ces éléments j'ai été pris de désir de transformer ce travail fastidieux en imagination. Et au lieu de copier, je me suis mis à composer."
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La pièce Archives sauvées des eaux sera confrontée aux manipulations de vinyles par Yoshihide et de CDs par eRikm lors de performances dantesques. L'altérité et les torsions énergiques auxquelles sont soumises les masses sonores contribuent à l'élaboration d'une pièce éminemment musicale. Les réminiscences nostalgiques (bruits de vagues, passages de musique classique, voix humaines) y sont malmenées avec une jouissance évidente. Comme le montre l'extrait vidéo ci-dessous, la musique concrète a encore de beaux jours devant elle.
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Un Cd documente une performance en compagnie d'eRikm à Milan en 2004 (sur Angle Records). Le label Callithump a quant à lui édité un concert avec Yoshihide à Tokyo en 2003.
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lundi 7 décembre 2009

Références livresques

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C'est en donnant les références du livre ci-dessus à un ami que je réfléchissais à la disponibilité d'ouvrages en français concernant les musiques expérimentales au sens large, mais aussi le jazz... A ma connaissance et contrairement à ce qui existe pour le domaine anglo-saxon, le bilan est malheureusement pauvre. Voici donc une liste subjective et non-exhaustive (les suggestions sont les bienvenues) de ce qu'on peut actuellement trouver de plus intéressant sur le sujet. Les dates fournies sont celles des premières éditions ou des plus récentes rééditions. A quelques exceptions près, j'ai privilégié des ouvrages décortiquant des genres musicaux plutôt que la biographie d'artistes précis. Cette liste sera complétée au fur et à mesure de mes découvertes et des parutions. Bonne lecture !
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- Derek BAILEY, L'improvisation : sa nature et sa pratique dans la musique. Outre Mesure, 2003.
- Guillaume BELHOMME, Giant Steps. Le mot et le reste, 2009.
- Jean-Pierre BOBILLOT, Poésie sonore. Eléments de typologie historique. Le clou dans le fer, 2009.
- John CAGE, Silence : Discours et écrits. Denoël, 2004.
- Philippe CARLES et Jean-Louis COMOLLI, Free Jazz - Black Power. Gallimard, 2000.
- Daniel CAUX, Le silence, les couleurs du prisme et la mécanique du temps qui passe. Editions de l'éclat, 2009.
- Michel CHION, Le son. Armand Colin, 2004.
- Eric DESHAYES, Au-delà du Rock. La vague planante, électronique et expérimentale allemande des années 70. Le mot et le reste, 2007.
- Evelyne GAYOU, GRM. Le groupe de recherches musicales. Cinquante ans d'histoire. Fayard, 2007.
- Joseph GHOSN, La Monte Young. Une biographie suivie d'une introduction à la musique minimaliste. Le mot et le reste, 2010.
- Olivier LUSSAC, Happening & Fluxus. Polyexpressivité et pratique concrète des arts. L'Harmattan, 2004.
- Gérard NICOLLET, Les chercheurs de sons : Instruments inventés, machines musicales, sculptures et installations sonores. Alternatives, 2004.
- Michale NYMAN, Experimental Music. Allia, 2005.
- Philippe ROBERT, Musiques expérimentales, une anthologie transversale d'enregistrements emblématiques. Le mot et le reste, 2007.
- Peter SHAPIRO, Modulations : Une histoire de la musique électronique. Allia, 2004.
- David TOOP, Ocean of Sound : Musiques ambiantes, mondes imaginaires et autres voix de l'éther. Editions de l'éclat, 2004.
- Jean-Noël van der WEID, La musique du XXe siècle. Hachette, 2005.
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jeudi 3 décembre 2009

Epiphonie # 3

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Ce samedi soir (ouverture des portes à 20.00, début des concerts à 20.30, PAF : 6 euros) a lieu le troisième concert organisé par l'ASBL Epiphonie, toujours à la Chapelle Saint-Roch en Volière. Au programme, l'excellent groupe belge R.O.T. (leur album L'écurie s'est retrouvé dans le classement des meilleurs albums 'Outer Limits' parus en 2006 dans The Wire) et les Italiens de Neokarma Jooklo Trio que l'actualité chargée (plusieurs sorties sur Qbico, collaboration avec Chris Corsano...) n'empêche pas de venir nous présenter leur cocktail jubilatoire d'esoteric-free-psyche-tribal music ! A samedi soir ! Pour plus d'infos, voir ci-dessous (texte rédigé par Flight of the Ruffian) et ICI.

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Neokarma Jooklo Trio :
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A la base du concept Jooklo, deux musiciens italiens, à savoir Virginia Genta et David Vanzan, respectivement au saxophone et à la batterie. Ceux-ci sont également à la tête du label Troglosound, et illustrateurs. Autour de ce duo (Jooklo), se greffent toute une série de projets dont les plus connus sont Golden Jooklo Age et Neokarma Jooklo Experience. Toutes ces formations peuvent varier en forme, en taille (du duo à l’octet), et en composition instrumentale. Leurs concerts s’articulent autour de l’improvisation et de l’expérimentation, pour des sets intenses mélangeant les sons électroniques et ethniques, étoffant les atmosphères, pour plonger le public tantôt dans une ambiance mystique, méditative et spirituelle, tantôt pour le guider durant une transe chamanique ou les rythmes prennent le pas, les sons se créant progressivement, afin de construire une vibration homogène empreinte d’animisme.

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Neokarma Jooklo Trio nous fait l’honneur d’un passage en Belgique dans le cadre de l’Evo Magico. La formation de ce soir (le duo plus Maurizio Abate) sera organisée autour d’un saxophone, d’une vielle à roue et d’une harpe modifiée.
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R.O.T :
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R.O.T. existe depuis plus de dix ans. A l’origine un duo créant une sorte de drone-noise, le groupe a bien vite muté en un collectif à forme ouverte tendant à se stabiliser autour de l’improvisation libre. Le mélange de musiciens et de non musiciens, d’objets sonores identifiés ou non, et l’exploration de lieux étranges et beaux (églises abandonnées, friches industrielles, bâtiments administratifs désertés, parcs publics et sites naturels) sont leur marque de fabrique. Après leurs débuts dans les sphères électriques brutes, le groupe s’est tourné vers une formation électro-acoustique, employant tant des guitares et des synthétiseurs que des instruments à vent, des percussions variées, des objets divers et des gadgets électroniques modifiés.

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Leurs performances live, à chaque fois uniques, ne répondent pas à un schéma bien préétabli, mais à une envie d’improvisation totale où les incidents de parcours et autres impondérables sont considérés comme un membre supplémentaire, aboutissant à de longues transes rituelles qui vous emmèneront bien plus loin que les murs de la chapelle.
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mardi 1 décembre 2009

Ne plus jamais dormir

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"J'avoue me laisser aller à une irrépressible tendance à imaginer le scénario le plus terrible : tout cela aura abouti à que dalle. Combien de blocs énormes ne gisent-ils pas dans la lande drenthaise, peut-être traînés, tirés des années durant par un homme préhistorique, sur cinquante centimètres par jour... Il y a passé des années, jour après jour, dormant la nuit près de sa pierre.
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Pas de chevaux à l'époque. Espérons qu'il savait utiliser les troncs d'arbres en guise de levier. Il est devenu vieux, notre homme préhistorique. Vieillissant bien plus vite que nous. A trente ans, c'était déjà un vieillard, notre bâtiseur de dolmens. Puis il est tombé malade, incapable dès lors de travailler dur. Sa pierre était encore trop éloignée des deux ou trois autres pour que nous en arrivions à penser, nous ses descendants :
- Regarde ! Un dolmen !
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Rien n'est là pour témoigner qu'un homme a consacré sa vie à traîner cette pierre - qui n'est rien à nos yeux qu'une pierre quelconque. Elle est identique à celle qu'on découvre, après tout, ça et là, sur la lande... Pas un seul préhistorien pour y prêter la moindre attention. Et d'ailleurs... n'y a-t-il pas de quoi éclater en sanglots ? Puisque pour ce qui est des autres pierres, les dolmens, on ignore jusq'aux noms des hommes qui les ont traînées en un endroit précis pour les ériger en monument. Et on l'ignorera toujours. Dans l'univers entier. Et à supposer qu'une invention, dans un millier d'années, nous permette de découvrir ces noms, même alors, moi, je les ignorerai. Je mourrai sans les connaître, de même que Constantin Huygens est mort sans savoir qu'il nous serait possible un jour de voir depuis La Haye rebelles et soldats s'entre-tuer à Saint-Domingue, de même que Jules César n'a jamais su que l'Amérique existait. Les Aztèques sacrifiaient tous les soirs un être humain car ils croyaient qu'autrement le soleil ne se lèverait pas le lendemain. De toute éternité, ils ont agi ainsi, de même que nous, tous les soirs, nous remontons notre réveil. Jamais l'un deux n'aurait pris le risque de voir ce qui se serait passé si, pour s'assurer que le soleil ne se lèverait effectivement plus, on avait omis une seule fois d'acomplir ce rituel.
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Y a-t-il jamais eu un Aztèque pour dire :
- Mais c'est aberrant ce qu'on fait là !
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Qui osera croire qu'il est possible, dans un monde où tant de personnes ont pu être immolées pour rien, d'en immoler ne serait-ce qu'une autre et que cela ait un sens ?"
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Extrait de Ne plus jamais dormir de Willem Frederik Hermans (1966, traduit du Néerlandais par Daniel Cunin, Gallimard, 2009), pp. 173-175.
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Photo de l'écrivain ci-dessus (Chris van Houts, Amsterdam)
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