lundi 31 octobre 2011

Les temps morts

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Nous sommes désormais plus de 7 milliards.
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Les temps morts (1964) est un court métrage réalisé par René Laloux en collaboration avec Roland Topor et Alain Goraguer.
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samedi 29 octobre 2011

La danse des possédés (11)

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Il est deux heures dans la nuit, je commence à bailler bien malgré moi. Un ami place un disque sur la platine et quelque chose d'important se passe. Des sons de clarines retentissent et un chant clair et modulé résonne sur des parois de montagne. Un des plus beaux disques entendus récemment commence : "Jüüzli" Jodel du Muotatal. Suisse (Chant du Monde, 1979). Ce chant, lié aux activités pastorales dans des alpages reculés, a été travesti, usé jusqu'à la corde, mais ici, il évoque autre chose, de pur et harmonieux, qui rappelle les polyphonies pygmées. Ce type de yodle est d'ailleurs formellement très proche de ces dernières. L'ethnomusicologue Hugo Zemp, encore lui, a produit le disque et a réalisé plusieurs films au sujet de cette forme musicale.
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PS : Je me rends compte à l'instant que ceci est le 400e post sur ce blog. Et la nuit s'éternise...

vendredi 28 octobre 2011

Le Navigateur (2)

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La poésie de Kenneth White donne envie de continue à voyager en chambre. Éloge du corbeau, La résidence de la solitude et de la lumière, Premier colloque de l'Académie des Goélands, Lettres de Lotofen, L'être, le néant et une bouteille de rhum sont autant de titres de poèmes qui signalent une littérature de l'ailleurs et du large. On recommande l'anthologie Un monde ouvert (Gallimard, 2006), élaborée par White lui-même et dont on tire l'extrait qui suit. Le dernier voyage de Brendan est issu du recueil Atlantica. On en livre ici les premières strophes :
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"
1
Entendez ci de saint Brandent
qui fu nez devers occident
qui VII ans erra par la mer
por plus douter Dieu et amer...
2
C'était un royaume de pierre
sur la côte ouest d'Erin
où le vent mugissait
où les vagues de l'Atlantique rugissaient
où des hommes étranges erraient et murmuraient :
is é mo drui Crist mac Dé
"mon druite est le Christ, fils de dieu".
3
L'un d'eux avait toujours voulu aller plus loin
Brandan était son nom, un nom
qui contenait la mer, le brisement
des vagues et le souvenir d'un poème
que les anciens récitaient les soirs d'hiver :
"Bran pense que c'est une grande merveille
d'aller en barque sur la mer claire
les yeux de Bran voient les vagues de la mer
les vagues de la mer brillent l'été
aussi loin que voient les yeux de Bran
Bran aime contempler la mer
la mer blanche que fendent les rames..."
4
Il est des hommes toujours prêts
à larguer leurs amarres, des hommes
qui regardent la vie d'un œil froid
et savent tout miser sur un geste
Brandan était de ceux-là
Dieu pour lui était le grand geste
qui avait mis le monde en branle
mais aussi une grande idée voguant à travers l'espace
plus brillante que la lune et le soleil
5
Brandan se construisit une barque
une barque de dix-sept places
sur une carcasse de bois souple
des peaux de bœuf tannées au chêne
qu'il enduisait de résine et de graisse -
une barque légère comme l'oiseau pour parcourir la mer !
quand la barque fut prête, solide et sûre
il rassembla des hommes, et leur dit :
"ceci ne sera pas, croyez-moi, une petite croisière
ce sera la plus folle des folles équipées
sur les bords du monde et plus loin encore
une pérégrination faite au nom du Seigneur
et la promesse d'un martyre blanc."
6
Ils quittèrent l'Irlande, le cap sur le nord
fendant l'eau bleue de leurs rames
dans un grand vacarme de goélands
la traversée était bonne, le rythme régulier
vers l'est s'étendait le pays des collines blanches
ils passèrent Islay et l'île de Tiree
Barra, les Uist, et puis ce fut Lewis
à Lewis ils mirent pied à terre
marchèrent autour des vieilles pierres de Callernish
et reprirent le large
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...."
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La danse des possédés (10)

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A nouveau, on est plongé dans les deux incroyables coffrets Art of Field Recording. Fifty Years of Traditional American Music documented by Art Rosenbaum (Dust-to-Digital). Rédemption ?
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jeudi 27 octobre 2011

Le Navigateur (1)

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Saint Brendan de Clonfert, dit le Navigateur, est né dans le comté de Kerry en Irlande, entre 484 et 574 ou 578. Il serait parti en bateau avec 60 pèlerins à la recherche du jardin d'Eden (ça vaut mieux que pas mal d'autres occupations). La version la plus ancienne connue de la Navigatio Sancti Brendani abbatis date des environs de 900. Lors de son périple, Brendan découvre le Paradis des oiseaux, une île où les oiseaux chantent des psaumes et glorifient Dieu (et alors, ils font ça tous les jours). Il assiste à un combat entre un oiseau et un gryphon. Il se fait menacer par des créatures marines monstrueuses. Il rencontre Judas, isolé sur un petit récif battu par les vagues, puis Paul l'Ermite, nu, seul et nourri par une loutre. Il accoste enfin sur la Terre Promise des Saints. Saint patron des marins et des voyageurs, ce qui n'étonnera personne, il a suscité nombre de fantasmes. Ainsi, la Terre Promise atteinte ne serait autre que l'Amérique.... Ici, une des nombreuses versions de la vie du saint.
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mardi 25 octobre 2011

La danse des possédés (9)



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Luc Ferrari est un des plus grands. La preuve ici avec la Petite symphonie intuitive pour un paysage de printemps (1973-1974), une de mes compositions préférées de l'inventeur de la "musique anecdotique", un de mes morceaux favoris tous genres confondus. Sentence définitive : le coffret de l’œuvre électronique édité par l'INA est une merveille.
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Outer Space


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Ce matin, on regarde et on écoute, fasciné, les films Outer Space et Dream Work de l'Autrichien Peter Tscherkassky (1999 et 2001, tous deux réalisés à partir de The Entity de Sidney J. Furie, un film fantastique américain de 1981). Ça fait peur, mais ça fait un bien fou aussi.
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vendredi 21 octobre 2011

La danse des possédés (8)



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Un morceau d'Austin Coleman, Joe Washington Brown & Group enregistré en 1934 par Alan Lomax. Découvert sur la première compilation American Primitive (Revenant), on le retrouve ici parmi d'autres perles qui craquent et fouettent comme un vent d'effroi de l'Ancien Testament. Dans le genre 'danse des possédés', on peut difficilement faire mieux.
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jeudi 20 octobre 2011

Ecoute le bambou qui pleure


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L'Océanie est bel et bien une contrée où ont été élaborées des musiques essentielles (voir déjà ici). Depuis hier, on est plongé à nouveau dans des field recordings des années 1970 de l'ethnomusicologue Hugo Zemp consacrés aux traditions musicales des îles Salomon : Ensembles de flutes de Pan 'Aré' Aré et Musiques intimes et rituelles 'Aré' Aré (qui présentent des enregistrements différents de ceux parus initialement dans la collection du Musée de l'Homme en 1971, 1972 et 1973).
Surtout, on attend avec impatience de voir le film Musiques 'Aré' Aré, produit en 1979 par le CNRS, toujours par Hugo Zemp. Dans ce film sont successivement étudiés vingt types de musique traditionnelle 'Aré' Aré, à chaque fois introduits par un musicien local. Quelques extraits sont visibles ci-dessus. Sur le site du CNRS, on peut voir en ligne et gratuitement un autre film de Zemp à propos des 'Aré' Aré : Tailler le bambou (1979).
Hugo Zemp a décidément bien contribué à la découverte de ces musiques de flûtes de Pan et autres polyphonies, notamment en collectant ce qu'en disent les Mélanésiens eux-mêmes dans un très bel ouvrage de l'indispensable collection L'aube des peuples : Ecoute le bambou qui pleure. Récit de quatre musiciens mélanésiens ('Aré' Aré, Îles Salomon) (1995) dont voici un extrait à propos de la magie des ensembles de flûtes de Pan (pp. 58-59), raconté par 'Irisipau, à lire pendant que les disques tournent :
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"Le pouvoir magique est fort dans les flûtes de Pan. Pour certains instruments, l'homme qui jadis les a taillés a enfermé une noix d'arec dotée de pouvoirs magiques dans l'extrémité inférieure, ensuite rebouchée avec de la poix. Chaque fois qu'ils jouent de ces instruments, le pouvoir magique est là ; il y est en permanence et se manifeste même à ceux qui ignorent qu'il est là. L'émotion des femmes venues à la fête monte, tout comme celles des hommes, grâce à cette musique, et les joueurs reçoivent de la monnaie en retour. Pour les flûtes de Pan qu'on emporte en tournée musicale, on coupe une noix d'arec, on la mâche et on prie avec elle pour détourner la malchance. Ou bien on frotte sur l'instrument un bouquet de mahe.
Les flûtes de Pan qu'on apporte à une fête des porcs, on les lave dans la rivière en introduisant dans les tuyaux, avec un mouvement de va-et-vient, de jeunes joncs dotés de pouvoir magique. Quand les musiciens arrivent à la fête, tous les gens, poussés par ce pouvoir magique, volent pour venir les voir.
Personne ne doit traverser le chemin devant les musiciens quand ils arrivent avec ces instruments. Une femme qui traverserait leur chemin, en respirant l'odeur de leur sueur, deviendrait folle. Elle deviendrait folle à cause du pouvoir de la noix d'arec avec laquelle ils ont prié et qui se trouve avec la flûte de Pan. S'ils ne la guérissaient pas, le pouvoir magique s'emparerait de cette femme pour toujours. Elle ne deviendrait pas folle tout de suite, devant eux, mais plus tard dans la nuit : elle aurait une telle force que personne ne pourrait la retenir. Elle secouerait quatre ou cinq hommes et les traînerait à travers le village. Seul un homme expert dans la technique magique utilisée par les musiciens pourrait la guérir, et il faudrait la rémunérer pour ses soins. Si on ne la guérissait pas avec un rituel approprié, elle resterait folle à jamais."
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mardi 18 octobre 2011

Un chœur de grenouilles

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Parmi d'autres choses entendues la semaine passée au Field Fest (un festival consacré à la pratique du field recording et organisé par Sounds of Europe), on aura beaucoup apprécié la séance d'écoute dirigée par Manu Holterbach et notamment l'extrait suivant où un chœur de grenouilles (et quelques crapauds accoucheurs sur la fin) rivalise avec un trombone et des pierres sonores. Ce concert avait lieu à un étang dans les champs près de Saint-Pargoire, entre Béziers et Montpellier. L'album devrait sortir bientôt sur Cassauna. On s'en réjouit.

Un Etang dans les champs près de Saint-Pargoire by Emmanuel Holterbach
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Vers les cimes (14)

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C'est en regardant le Cézanne (1989) de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub qu'on a découvert le texte transcrit ci-dessous. Issu d'un dialogue entre le peintre et Joaquim Gasquet (dans le livre Cézanne (1921) de ce dernier), il fait penser à la correspondance de Flaubert, ce qui n'est pas rien. La peinture ci-dessus est issue d'une collection privée.

"Mais dès que nous sommes peintres, nous nageons en pleine eau, en pleine couleur, en pleine réalité. Nous nous colletons directement avec les objets. Ils nous soulèvent. Un sucrier nous en apprend autant sur nous et sur notre art qu’un Chardin ou un Monticelli. Il est plus coloré. Ce sont nos tableaux qui deviennent des natures mortes. Tout est plus irisé que nos toiles, et je n’ai qu’à ouvrir ma fenêtre pour avoir les plus beaux Poussin et les plus beaux Monet du monde… L’ombre tassée, l’ombre peinte, la lumière assassinée, horreur ! la clarté morte… On marche dans un pays d’aveugles… Par quels sens, avec quels sens percevez-vous donc le soleil? Nos tableaux, c’est de la nuit qui rôde, de la nuit qui tâtonne… Les musées sont des cavernes de Platon. Sur la porte je ferai graver : “Défense aux peintres d’entrer. Il y a le soleil dehors”. Un peintre commence à peindre, ce qui s’appelle peindre, à quarante ans, un peintre de nos jours. Les autres, à cet âge, lorsqu’il n’y avait pas de musée, avaient presque achevé leur œuvre. Un peintre aujourd’hui ne sait rien. Jusqu’à quarante ans, oui, qu’il fréquente les musées, je le lui ordonne… Après qu’il retourne dans ces cimetières simplement pour s’y reposer et y méditer sur son impuissance et sur sa mort… Les musées sont des lieux odieux. Ils puent la démocratie et le collège. Je peins mes natures mortes, ces natures mortes, pour mon cocher qui n’en veut pas, je les peins pour que les enfants sur les genoux de leurs grands-pères les regardent en mangeant leur soupe et en babillant. Je ne les peins pas pour l’orgueil de l’empereur d’Allemagne et la vanité des marchands de pétrole de Chicago. On donne dix mille francs d’une de ces cochonneries; on ferait mieux de me donner un mur d’église, une salle d’hôpital ou de mairie, et de me dire : “Foutez-vous là… Peignez-nous un mariage, une convalescence, une belle moisson…” Alors, peut-être, je sortirais ce que j’ai dans le ventre, ce que je porte là depuis que je suis né, et ce serait de la peinture… Mais je rêve, je me saoule, je m’exalte… À quoi ça mène? À m’empêcher de travailler mieux…"

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vendredi 14 octobre 2011

La danse des possédés (7)

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A certains moments de nos vies, des musiques prennent une évidence et une force qu'elles n'ont jamais eues auparavant. Hier, je suis dans le train, je reviens de Bruxelles : Leuven, Tienen, Landen... Il est tard, mais pas trop. Dans un wagon vieux modèle, je suis mal assis et tente d'avancer dans ma lecture. En face de moi, un homme un peu gras chipote avec une tablette de médicaments. Dans un premier temps, je fais abstraction. Puis peu à peu, je me fascine. Sur la portion Leuven-Liège, il mange 8 médicaments (je n'ai pas compté avant Leuven). Entre chaque prise, il chiffonne la tablette, tente de replacer l'opercule, n'y arrive pas, s'énerve, en fait une petite boulette, finit par la jeter. Cet homme est fou ou est investi d'une mission.
Je ne sais plus ce que j'écoute puis en passant en revue mon répertoire, j'arrive à Bernard Parmegiani. Je lance La roue Ferris (1971) et là, tout prend son sens. L'homme malade en face de moi, les quais de gare déserts de Hesbaye, la lumière jaunâtre du wagon et le mouvement du train. Ma vie qui défile à toute vitesse, comme une grande roue détraquée.
George Washington Gale Ferris Jr. a fait construire la première grande roue à l'occasion de la Foire mondiale de Chicago (Illinois) en 1893. Une vraie prouesse technique : haute de 80 mètres, elle pouvait supporter jusqu'à 2160 personnes. Ferris est mort de la fièvre typhoïde en 1896. Ses cendres sont restées au crématorium de Pittsburgh pendant plus d'un an, sans que personne vienne les réclamer. La roue tourne...
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jeudi 13 octobre 2011

La revenance animale prouve-t-elle l'existence de l'âme animale ?

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On est plongé dans l'essai de Daniel Sangsue intitulé Fantômes, esprits et autres morts-vivants. Essai de pneumatologie littéraire (José Corti, 2011). On copie le passage ci-dessous (pp. 57-58) en pensant à un camarade amateur de fantômes et de dézingue poétique de la gent animale.
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"Animaux fantômes

(...) Ils sont très présents dans les récits populaires et on les retrouve par conséquent chez les auteurs attentifs à ce genre de récits. Par exemple Walter Scott se réfère, dans Peveril du Pic, à "la légende bien connue du chien Mauthe, esprit ou démon", qui hante une église "sous la forme d'un gros mâtin noir à poil long". Dans les Légendes rustiques, George Sand évoque toutes sortes de "bêtes revenates" du Berry : chiens, brebis, pie, "lupeux", et dans Histoire de ma vie, les "apparitions de la grand-bête" qu'elle considère comme appartenant aux hallucinations collectives des "gens de campagne" qui l'ont marquée dans sa jeunesse. elle reproduit le récit d'un sacristain sur des rats censés réincarner des morts : "Il les connaissait tous, il leur avait donné les noms des principaux habitants morts dans le bourg depuis une quarantaine d'années. A chaque nouveau mort, il voyait surgir un nouveau rat qui s'attachait à ses pas et le tourmentait par ses grimaces."
Il existe des animaux revenant en corps, des animaux spectres, etc. et la typologie déclinée à propos des morts-vivants humains peut donc leur être appliquée, du moins en partie. Ainsi, dans "Mademoiselle Cocotte" de Maupassant (1883), on a affaire à une revenance intérieure : la chienne noyée par François quelques mois auparavant et dont il voit la charogne dériver devant lui lors d'une baignade n'est pas une morte-vivante, elle n'est une revenante que pour l'esprit de ce pauvre domestique hanté par le remords."
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On peut en outre livrer une petite anecdote : "La photo ci-dessus à été prise par une photographe amateure, Madame Filson. Présentes sur la photographie, Lady Hehir et sa chienne Tara. Cependant, nous pouvons très facilement distinguer la présence d'un autre chien, donc la tête se retrouve près du postérieur de Tara.
Madame Filson et Lady Hehir ont immédiatement reconnu la chienne terrier Kathal, qui était la compagne de jeux favorite de Tara. Kathal était morte quelques semaines avant la prise de la photographie, et son apparition est du moins, inexplicable. Nous ne pouvons distinguer qu'une tête de chien, très nette qui semble se tenir devant l'objectif. Le négatif d'une photo à été soumise au British College of Psychic Science en 1927, aucun trucage n'a pu être découvert."
Ernest Bozzano, Les apparitions, les pouvoirs inconnus de l'homme, 1978, pp. 30-37.
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lundi 10 octobre 2011

La danse des possédés (6)

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Moines tibétains, Gyuto, chant diphonique, montagne, grondement, transe. Peu d'infos sur les images ci-dessus, on se reportera donc à l'enregistrement de David Lewinston (Nonesuch, 1973) ici, , et encore .
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samedi 8 octobre 2011

Les anneaux de Saturne

Sur le très intéressant blog Norwich, consacré à l’œuvre de W.G. Sebald (mais pas seulement), on trouve la 'bibliothèque idéale' de l'auteur d'Austerlitz et des Anneaux de Saturne. On se réjouit de découvrir la littérature qui a formé le grand écrivain allemand. Cette liste de livres est issue de Saturn's Moons : W.G. Sebald - A Handbook (2008). La voici :
  • John Berger, Ways of seeing (Voir le voir)
  • Robert Walser, Auf dem Bleistiftgebiet (Le territoire du crayon)
  • Vladimir Nabokov, Speak, Memory (Autres rivages)
  • Ernst Herbeck, Alexander
  • Giorgio Bassani, Brille mit Goldrand (Les Lunettes d’or)
  • John Aubrey, Brief Lives
  • Thomas Bernhard, Wittgensteins Neffe (Le Neveu de Wittgenstein)
  • Adalbert Stifter, Aus der mappe meines Urgrosvaters (Les Cartons de mon arrière-grand-père)
  • Bohumil Hrabal, Schöntrauer-Trilogie (Les Noces dans la maison)
  • Heinrich Von Kleist, Die Marquise von O. (La Marquise d’O.)
  • Gustave Flaubert, Trois contes
  • Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance
  • Johann Peter Hebel, Kalendergeschichten (Histoires d’Almanach)
  • Claude Simon, Le Jardin des plantes

jeudi 6 octobre 2011

Au clair de la lune

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Aujourd'hui, on remonte le temps et on écoute le son enregistré le plus ancien de l'histoire : une dizaine de secondes d'Au clair de la lune, fixées en avril 1860 grâce au phonautographe du Français Edouard-Léon Scott de Martinville (1817-1879). Pour rappel, Thomas Edison déposait le brevet du premier phonographe le 19 décembre 1877. Dans l'œuvre d'une vie, de grandes inventions côtoient souvent des réalisations apparemment plus modestes. Scott de Martinville était ainsi typographe, libraire et écrivain. On lui doit une Histoire de la sténographie depuis les temps anciens jusqu'à nos jours (1849). Qui était vraiment cet homme enregistrant sa voix pour la première fois de l'histoire de l'humanité ? Il chante une comptine, retourne à ses vieux papiers, se fait doubler par Edison, meurt. Nous l'écoutons aujourd'hui.
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La danse des possédés (5)


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Un saxophone et 20 microphones sont les instruments de Colin Stetson sur le renversant New History Warfare Vol. 1. Et le clip donne envie de dérives urbaines, là où il fait sombre et sale, là où on se retrouve face à soi-même.
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mardi 4 octobre 2011

Du cannibalisme humanisant

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Cette toile (Copenhague, Nationalmuseet) d'Albert Eckhout montre une femme cannibale Tapuya peinte au Brésil en 1641. Le peintre hollandais est à l'époque chargé par le comte Maurice de Nassau d'enregistrer les différents types humains et les richesses naturelles de la colonie. Le portrait est composé de manière classique, avec le modèle en pied au premier plan d'un vaste paysage. Aucun artifice ne semble accuser la bestialité de la cannibale. Tout semble presque normal, hormis l'avant-bras porté par la femme et la jambe dans son panier. Le peintre fait-il preuve d'ironie, se conforme-t-il à une vision du bon sauvage ou a-t-il une intuition de la nature humanisante du cannibalisme ? Bien plus tard (mais c'est déjà ce que pensait Voltaire, à quelques différences près), Claude Levi-Strauss écrira dans son article Siamo tutti cannibali (Nous sommes tous des cannibales), publié dans La Repubblica le 10 octobre 1993 (extraits) :
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"Les auteurs qui nient l'existence présente et passée du cannibalisme prétendent que sa notion fut inventée pour creuser encore davantage le fossé entre les sauvages et les civilisés. Nous attribuerions faussement aux premiers des coutumes et des croyances révoltantes afin de nous donner bonne conscience et de nous confirmer dans la croyance en notre supériorité.
Inversons cette tendance et cherchons à percevoir dans toute leur extension les faits de cannibalisme. Sous des modalités et à des fins extraordinairement diverses selon les temps et les lieux, il s’agit toujours d'introduire volontairement, dans le corps d'êtres humains, des parties ou des substances provenant du corps d'autres humains. Ainsi exorcisée, la notion de cannibalisme apparaîtra désormais assez banale. Jean-Jacques Rousseau voyait l'origine de la vie sociale dans le sentiment qui nous pousse à nous identifier à autrui. Après tout, le moyen le plus simple d’identifier autrui à soi-même, c’est encore de le manger."
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lundi 3 octobre 2011

La danse des possédés (4)

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Comme beaucoup de jeunes dans les années 1990, je ne connaissais rien au blues avant de découvrir le label Fat Possum. Ma première écoute des disques de Junior Kimbrough, RL Burnside, Asie Payton ou encore T-Model Ford a été une vraie révélation, comme on en a peu durant une vie d'amateur de musique. Dans le même temps, je me prenais sur le coin de la gueule les vieux enregistrements de Skip James, Blind Willie Johnson et Robert Johnson. Après, il y a eu les compilations American Primitive, Alan Lomax et pleins d'autres... Un véritable univers, peuplé de fantômes, de diables et d'histoires tristes et cruelles. Ces jours-ci, je suis à nouveau emporté dans la transe. Goin' Down South !
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dimanche 2 octobre 2011

Vers les cimes (13)

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J'ai (à nouveau) 10 ans. Je lis Les trois mousquetaires (1844). Ici, un extrait du chapitre d'ouverture, Les trois présents de M. D'Artagnan père :
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"Mon fils, avait dit le gentilhomme gascon, dans ce pur patois de Béarn dont Henri IV n’avait jamais pu parvenir à se défaire, – mon fils, ce cheval est né dans la maison de votre père, il y a tantôt treize ans, et y est resté depuis ce temps-là, ce qui doit vous porter à l’aimer. Ne le vendez jamais, laissez-le mourir tranquillement et honorablement de vieillesse, et si vous faites campagne avec lui, ménagez-le comme vous ménageriez un vieux serviteur. À la cour, continua M. d’Artagnan père, si toutefois vous avez l’honneur d’y aller, honneur auquel, du reste, votre vieille noblesse vous donne des droits, soutenez dignement votre nom de gentilhomme, qui a été porté dignement par vos ancêtres depuis plus de cinq cents ans. Pour vous et pour les vôtres – par les vôtres, j’entends vos parents et vos amis, – ne supportez jamais rien que de M. le cardinal et du roi. C’est par son courage, entendez-vous bien, par son courage seul, qu’un gentilhomme fait son chemin aujourd’hui. Quiconque tremble une seconde laisse peut-être échapper l’appât que, pendant cette seconde justement, la fortune lui tendait. Vous êtes jeune, vous devez être brave par deux raisons : la première, c’est que vous êtes Gascon, et la seconde, c’est que vous êtes mon fils. Ne craignez pas les occasions et cherchez les aventures. Je vous ai fait apprendre à manier l’épée ; vous avez un jarret de fer, un poignet d’acier ; battez-vous à tout propos ; battez-vous d’autant plus que les duels sont défendus, et que, par conséquent, il y a deux fois du courage à se battre. Je n’ai, mon fils, à vous donner que quinze écus, mon cheval et les conseils que vous venez d’entendre. Votre mère y ajoutera la recette d’un certain baume qu’elle tient d’une bohémienne, et qui a une vertu miraculeuse pour guérir toute blessure qui n’atteint pas le cœur. Faites votre profit du tout, et vivez heureusement et longtemps.

Je n’ai plus qu’un mot à ajouter, et c’est un exemple que je vous propose, non pas le mien, car je n’ai, moi, jamais paru à la cour et n’ai fait que les guerres de religion en volontaire ; je veux parler de M. de Tréville, qui était mon voisin autrefois, et qui a eu l’honneur de jouer tout enfant avec notre roi Louis treizième, que Dieu conserve ! Quelquefois leurs jeux dégénéraient en bataille et dans ces batailles le roi n’était pas toujours le plus fort. Les coups qu’il en reçut lui donnèrent beaucoup d’estime et d’amitié pour M. de Tréville. Plus tard, M. de Tréville se battit contre d’autres dans son premier voyage à Paris, cinq fois ; depuis la mort du feu roi jusqu’à la majorité du jeune sans compter les guerres et les sièges, sept fois ; et depuis cette majorité jusqu’aujourd’hui, cent fois peut-être ! – Aussi, malgré les édits, les ordonnances et les arrêts, le voilà capitaine des mousquetaires, c’est-à-dire chef d’une légion de Césars, dont le roi fait un très grand cas, et que M. le cardinal redoute, lui qui ne redoute pas grand-chose, comme chacun sait. De plus, M. de Tréville gagne dix mille écus par an ; c’est donc un fort grand seigneur. – Il a commencé comme vous, allez le voir avec cette lettre, et réglez-vous sur lui, afin de faire comme lui.

Sur quoi, M. d’Artagnan père ceignit à son fils sa propre épée, l’embrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa bénédiction."

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