dimanche 24 avril 2011

Hypnagochips

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Hypnagochips est un nouvel espace plus ou moins sérieux alimenté par diverses personnes de bonne compagnie. Ce lieu sera l'occasion d'aligner les meilleurs tubes selon les critères parfois contradictoires de ses membres. Ce sera en tout cas une bonne occasion de faire se chevaucher Adriano Celentano et Isabelle Adjani, de mixer dub et électro minimal, d'assister à une magnifique danse du ventre sur un des plus beaux Silver Jews et de proclamer fièrement, le torse bombé et le regard perdu à l'horizon, que oui, nous voulons danser sur du Bernard Lavilliers! Bon amusement.
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mardi 19 avril 2011

Troubled Troubadours

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Les années 1960 et 1970. Des mondes s'écroulent. Des cow-boys et cow-girls fatigués chantent la mort, l'alcool et le désespoir. Et c'est beau. Magnifiques compilations Troubled Troubladours et Plantation Gold (toutes deux sur Omni Recording Corporation). On trouve plus d'infos sur le constamment réjouissant Holy Warbles.
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vendredi 8 avril 2011

Des ifs et des n'y est pas

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Ce blog ferme ses portes quelques jours. On va voir ailleurs si on n'y est pas...
En attendant, je vous renvoie à des infos sur l'if de Fortingall en Ecosse, vieux de plus de 2000 ans, et sur Old Tjuikko, un épicéa commun de 9550 ans. De quoi appréhender pas mal de choses avec légèreté et modestie. J'hésite, mais il est possible que cet espace ne parle désormais plus que d'arbres. A bientôt.
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jeudi 7 avril 2011

Vers les cimes (7)

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"- Il ne s'est rien passé, en Europe, dis-je.
- Rien ? Et la faim, les bombardements, les exécutions, les camps de concentration, les massacres, l'angoisse, la terreur, tout cela n'est donc rien pour vous ?
- Oh ! cela n'est rien, ce sont des choses pour rire, la faim, les bombardements, les exécutions, les camps de concentration, tout cela c'est pour rire, des sottises, de vieilles histoires. En Europe on connaît ça depuis des siècles. Nous y sommes habitués. Ce n'est pas tout ça qui nous a réduits ainsi.
- Qu'est-ce donc alors ? dit le général Guillaume d'une voix un peu rauque.
- La peau.
- La peau ? Quelle peau ? dit le général Guillaume.
- La peau, répondis-je à voix basse, notre peau, cette maudite peau. Vous ne pouvez pas imaginer de quoi est capable un homme, de quels héroïsmes, de quelles infamies il est capable, pour sauver sa peau. Cette sale peau. (Ce disant, je saisis avec deux doigts la peau du dos de ma main, et la tiraillai en tous sens.) Jadis on endurait la faim, la torture, les souffrances les plus terribles, on tuait et on mourait, on souffrait et on faisait souffrir, pour sauver l'âme, pour sauver son âme et celle des autres. On était capable de toutes les grandeurs et de toutes les infamies, pour sauver son âme. Aujourd'hui on souffre et on fait souffrir, on tue et on meurt, on fait des choses merveilleuses et des choses terribles, non pour sauver son âme, mais pour sauver sa peau. On croit lutter et souffrir pour son âme, mais en réalité on lutte et on souffre pour sa peau, rien que pour sa peau. Tout le reste ne compte pas. C'est pour une bien pauvre chose qu'on devient un héros, aujourd'hui ! Pour ça, pour une sale chose. La peau humaine est bien laide. Regardez. Est-ce que ce n'est pas répugnant ? Et dire que le monde est plein de héros prêts à sacrifier leur vie pour ça !
- Tout de même ! dit le général Guillaume.
- Vous ne pouvez pas nier qu'à côté de tout le reste... Aujourd'hui, en Europe, on vend de tout : honneur, patrie, liberté, justice. Vous devez reconnaître que c'est bien peu de chose que de vendre ses enfants.
- Vous êtes un honnête homme, dit le général Guillaume, vous ne vendriez pas vos enfants.
- Qui sait ? répondis-je à voix basse, il ne s'agit pas d'être un honnête homme. Cela n'a rien à voir, d'être un homme convenable. Ce n'est pas une question d'honnêteté personnelle. C'est la civilisation moderne, cette civilisation sans Dieu, qui oblige les hommes à donner une telle importance à leur peau. Seule la peau compte désormais. Il n'y a que la peau de sûr, de tangible, d'impossible à nier. C'est la seule chose que nous possédions, qui soit à nous. La chose la plus mortelle qui soit au monde. Seule l'âme est immortelle, hélas ! Mais qu'importe l'âme, désormais ? Il n'y a que la peau qui compte. Tout est fait de peau humaine. Même les drapeaux des armées sont faits de peau humaine. On ne se bat plus pour l'honneur, pour la liberté, pour la justice. On se bat pour la peau, pour cette sale peau.
- Vous ne vendriez pas vos enfants, répéta le général Guillaume en regardant le dos de sa main.
- Qui sait ? dis-je. Si j'avais un enfant, peut-être irais-je le vendre pour pouvoir m'acheter des cigarettes américaines. Il faut être un homme de son temps. Quand on est lâche, il faut être lâche jusqu'au bout."
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Extrait de Les roses de chair, chapitre IV de La peau de Curzio Malaparte (1949).
Ce roman est très important.
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mercredi 6 avril 2011

Une vague au sein de la forêt

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Un stock de CD de Jean C. Roché à prix réduit m'attendait à quelques centaines de mètres de chez moi. J'ai foncé et me suis procuré les Ambiances sonores de Papouasie. Dans un premier temps... J'ai d'abord rencontré le travail de Roché, ce fameux ornithologue pionnier de l'écologie sonore, via des K7 recueillant nombre de chants de volatiles de nos régions. A l'époque, j'écoutais religieusement ce travail pédagogique qui m'apprenait à reconnaître cris et chants lors de mes balades. Pendant des années, j'ai presque oublié Jean C. Roché et ses enregistrements captés dans le monde entier, jusqu'au jour où j'ai vu I never promise you a rose garden, le documentaire consacré par Sub Rosa à la discothèque de David Toop. Là, entre du John Cage et de la musique de cour coréenne, Toop nous faisait écouter le chant étrange et beau d'oiseaux du Venezuela captés par... Jean C. Roché. Du coup, je me suis à nouveau intéressé au travail de ce dernier avec grand plaisir, d'autant que ses parutions sur disques ou K7 sont très, très nombreuses.
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Les Ambiances sonores de Papouasie nous présentent, entre autres, les chants de l'Oiseau à berceaux papou (Archboldia papuensis, en dessous sur le timbre) et de l'Oiseau-jardinier à huppe orange (Amblyornis subularis, dessin au-dessus). Un extrait du livret donnera peut-être envie d'écouter ces disques :
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"Les concerts 4 et 5 constituent un bref aperçu des productions sonores étonnantes de deux Oiseaux à berceaux lors de leurs parades nuptiales. Pour séduire la femelle, parader et s'accoupler, les mâles édifient une construction de brindilles qu'ils décorent d'objets colorés divers (souvent des baies et des coquilles d'escargots) et qui, selon les espèces, peut prendre la forme d'un tunnel, d'un mât, ou d'une hutte. Autour de son œuvre, qui peut être réutilisée plusieurs années, le mâle effectue une chorégraphie complexe accompagnée de chants et de "bruits" étranges."
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Un autre extrait, ici à propos d'un concert nocturne à Wau :
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"Sur la rumeur fluctuante des criquets et des cigales se détachent les chants de la Ninox brune et de l'Engoulevent elphe, puis les coassements d'un amphibien. C'est le domaine des insectes. Plus de 600 espèces peuvent être recensées en une seule nuit. Les cigales peuvent atteindre 15 cm de longueur. Leur stridulation, d'abord timide, s'élève lentement puis s'amplifie en un vacarme qui perce les tympans. La marée sonore peut s'arrêter subitement comme elle est venue, ou se dérouler comme une vague au sein de la forêt."
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On peut trouver les différents disques de Jean C. Roché ici.
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mardi 5 avril 2011

Let the Sunshine In

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Plus jeune, j'ai un jour vu (je crois que c'était à Gand sur le bord d'un canal) un jeune "rasta blond" jouer Creep de Radiohead à la guitare. Frisson d'horreur. A l'époque plutôt porté aux décisions définitives, je m'étais juré de ne jamais écouter ni de Radiohead, ni de musique jamaïcaine. Le temps a passé : je n'ai toujours pas de rastas, Radiohead m'indiffère toujours, mais j'adore toute une série de disques de dub, de reggae et autres rocksteady.
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Grâce à quelques amis bien intentionnés, j'ai il y a quelques années découvert les compilations Studio One de Soul Jazz Records, en particulier les Studio One Scorcher (les premières écoutes de Shockers Rock !), Studio One Rockers et Studio One DJ's (Power Version de Dennis Alcapone !). J'ai ensuite fouillé dans les fameux coffrets Trojan, découvert plusieurs compilations de King Tubby, des Upsetters, Police and Thieves de Junior Murvin, East of the River Nile d'Augustus Pablo, et beaucoup d'autres... Dernièrement, je me réjouis des sorties du label Dug Out, qui a déjà réédité les magnifiques Tempo Explosion et Peace and Love de Dadawah.
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Des catalogues à explorer sont sans aucun doute ceux de Wackies et Basic Replay, deux maisons dépendant du non moins intéressant Basic Channel. Avant d'être réédités par les Berlinois responsables de ce dernier, les disques de Wackies ont été produits durant les années 1970 par Lloyd Barnes, un ancien "élève" de King Tubby et Duke Reid, alors en exil à New York. Les disques de Milton Henry, Junior Delahaye et Prince Douglas, ainsi que les compilations Wackies fourmillent de tubes, parfois nostalgiques et rêveurs, comme le Let the Sunshine In de Milton Henry ou le Love de Junior Delahaye, parfois hypnotiques comme le Mango Walk des Chosen Brothers. Le son Wackies est bien reconnaissable par ses allures parfois fantomatiques (des échos, des voix arrivent de loin...), par la place importante donnée aux basses et par le contournement délibéré d'une production lisse et clinquante. Trois derniers pour la route ? Red Gold and Green de Stranger Cole, Creation d'Itopia et Boy I Love You de Joy Card.
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lundi 4 avril 2011

Seeking the Spirit





On découvre le travail d'Olivia Wyatt, qui sortira un DVD chez Sublime Frequencies en juin.
C'est la fête à New York.

vendredi 1 avril 2011

Vers les cimes (6)

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Aujourd'hui, un classique, un vrai :
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"Charleville, [13] mai 1871.

Cher Monsieur !

Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m’avez-vous dit ; vous faites partie des corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. — Moi aussi, je suis le principe : je me fais cyniquement entretenir ; je déterre d’anciens imbéciles de collège : tout ce que je puis inventer de bête, de sale, de mauvais, en action et en parole, je le leur livre : on me paie en bocks et en filles. Stat mater dolorosa, dum pendet filius. — je me dois à la Société, c’est juste, — et j’ai raison. — Vous aussi, vous avez raison, pour aujourd’hui. Au fond, vous ne voyez en votre principe que poésie subjective : votre obstination à regagner le râtelier universitaire, — pardon ! — le prouve ! Mais vous finirez toujours comme un satisfait qui n’a rien fait, n’ayant rien voulu faire. Sans compter que votre poésie subjective sera toujours horriblement fadasse. Un jour, j’espère, — bien d’autres espèrent la même chose, — je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le feriez ! — je serai un travailleur : c’est l’idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris — où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais ; je suis en grève.

Maintenant, je m’encrapule le plus possible. Pourquoi ? je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n’est pas du tout ma faute. C’est faux de dire : je pense : on devrait dire : On me pense. — Pardon du jeu de mots. —

Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et Nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu’ils ignorent tout à fait !

Vous n’êtes pas Enseignant pour moi. je vous donne ceci : est-ce de la satire, comme vous diriez ? Est-ce de la poésie ? C’est de la fantaisie, toujours. — Mais, je vous en supplie, ne soulignez ni du crayon, ni — trop — de la pensée :

Le cœur supplicié :

Mon triste cœur bave à la poupe…
Mon cœur est plein de caporal !
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe…
Sous les quolibets de la troupe
Qui lance un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur est plein de caporal !

Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l’ont dépravé ;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques,
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé ?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques
J’aurai des sursauts stomachiques :
Si mon cœur triste est ravalé !
Quand ils auront tari leurs chiques
Comment agir, ô cœur volé ?

Ça ne veut pas rien dire. — Répondez-Moi : chez M. Deverrière, pour A. R.

Bonjour de cœur,

Art. Rimbaud."