vendredi 12 septembre 2014

Le terril (20)


L'homme qui pense a les fesses rouges comme un macaque. Sur le terril, il vient parfois s'asseoir et s'interroger. Son principal sujet de réflexion, c'est le Monde qui naît. Qu'y avait-il avant le big bang ? Comment concevoir le passage du néant à ce qui n'en est plus ? Et pourquoi même envisager un début, alors qu'une continuité sans limites est tout aussi envisageable ? Anaximandre de pacotille, il détaille l'illimité, l'inengendré, l'indéterminé, l'immatériel. Je vais parfois l'écouter, son soliloque s'accorde bien au paysage. Je m'en ferais bien un ami, ça peut toujours servir un homme qui pense. Mais malgré mes présents et ma prévenance, il ne s'arrête jamais de parler. Un jour, alors qu'il revenait encore sur la nécessité de la nécessité ou que sais-je encore comme futilités déguisées, j'en ai eu assez. Je l'ai empoigné, défroqué et lui ai donné une grosse fessée. Avec sa tête de planisphère triste, il est allé s'installer un peu plus loin et a recommencé son monologue. J'ai tourné les talons et ne l'ai plus jamais revu. Depuis, là où il avait coutume de s'asseoir, là où l'horizon s'écroule, la roche a pris une teinte écarlate.
En avant.

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