lundi 29 novembre 2010
Une partie de campagne
vendredi 26 novembre 2010
Le rebelle
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"C'est un film malin, savant, glacé, hyperpro, mais aussi un film abrupt, brutal, cinglant, condensé, convulsif, déchiqueté, déjanté, délirant, discrépant, érotique, étourdissant, fascinant, frénétique, grossier, haché, hystérique, mal poli, romantique, surréel, torride, trépidant. Un objet barbare, un météorite.
S'il ne fallait conserver de toute la production hollywoodienne qu'un seul film, ce serait celui-ci. Je l'ai vu une bonne douzaine de fois, et j'ai peur de le regarder à nouveau, tant il m'émeut. En évoquant le comment, je dirai pourquoi Le Rebelle demeure l'une des plus sublimes créations du génie humain."
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mardi 23 novembre 2010
Celebrate Birth - Just Breath
Aujourd'hui, ce blog a deux ans. En guise de célébration, je souhaite saluer l'arrivée d'Henri, il y a quelques heures. Bienvenue. Celebrate Life... Just Breath...
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dimanche 21 novembre 2010
Vis toi-même
"Cratès, Cynique.
Il naquit à Thèbes, fut disciple de Diogène, et connut aussi Alexandre. Son père, Ascondas, était riche et lui laissa deux cents talents. Un jour qu’il était allé voir une tragédie d’Euripide, il se sentit inspiré à l’apparition de Télèphe, roi de Mysie, vêtu avec des haillons de mendiant et tenant une corbeille à la main. Il se leva dans le théâtre et annonça d’une voix forte qu’il distribuerait à qui les voudrait les deux cents talents de son héritage, et que désormais les vêtements de Télèphe lui suffiraient. Les Thébains se mirent à rire et s’attroupèrent devant sa maison ; cependant il riait plus qu’eux. Il leur jeta son argent et ses meubles par les fenêtres prit un manteau de toile et une besace, puis s’en alla.
Arrivé dans Athènes, il erra dans les rues, se reposant le dos contre les murailles, parmi les excréments. Il mit en pratique tout ce que conseillait Diogène. Son tonneau lui sembla superflu. À l’avis de Cratès, l’homme n’était point un escargot, ni un bernard-l’hermite. Il demeura tout nu dans l’ordure, et ramassa les croûtes de pain, les olives pourries et les arêtes de poisson sec pour remplir sa besace. Il disait que cette besace était une ville large et opulente où on ne trouvait ni parasites ni courtisanes, et qui produisait suffisamment pour son roi du thym, de l’ail, des figues et du pain. Ainsi Cratès portait sa patrie sur son dos et s’en nourrissait.
Il ne se mêlait pas des affaires publiques, même pour les railler, et n’affectait pas d’insulter les rois. Il n’approuva point ce trait de Diogène qui, ayant crié un jour : « Hommes, approchez ! » frappa de son bâton ceux qui étaient venus et leur dit : « J’ai appelé des hommes, et non pas des excréments. » Cratès fut tendre pour les hommes. Il ne se souciait de rien. Les plaies lui étaient familières. Son grand regret était de n’avoir point le corps assez souple pour parvenir à les lécher, comme font les chiens. Il déplorait aussi la nécessité de se servir d’aliments solides et de boire de l’eau. Il pensait que l’homme devait se suffire à lui-même, sans aucune aide extérieure. Au moins, il n’allait pas chercher d’eau pour se laver. Il se contentait de se frotter le corps aux murailles si la crasse l’incommodait, ayant remarqué que les ânes n’agissent point autrement. Il parlait rarement des dieux, et ne s’en inquiétait pas : peu lui importait qu’il y en eût ou non, et il savait bien qu’il ne pourraient rien lui faire. D’ailleurs, il leur reprochait d’avoir rendu les hommes malheureux à dessein, en leur tournant le visage vers le ciel et en les privant de la faculté qu’ont la plupart des animaux, qui marchent à quatre pattes. Puisque les dieux ont décidé qu’il faut manger pour vivre, pensait Cratès, ils devaient tourner le visage des hommes vers la terre, où croissent les racines : on ne saurait se repaître d’air ou d’étoiles.
La vie ne lui fut point généreuse. Il eut la chassie, à force d’exposer ses yeux à l’âcre poussière de l’Attique. Une maladie de peau inconnue le couvrit de tumeurs. Il se gratta de ses ongles qu’il ne rognait jamais et observa qu’il en tirait double profit, puisqu’il les usait en même temps qu’il éprouvait du soulagement. Ses longs cheveux devinrent semblables à du feutre épais, et il les disposa sur sa tête pour se protéger de la pluie et du soleil.
Quand Alexandre vint le voir, il ne lui adressa point de paroles piquantes, mais le considéra parmi les autres spectateurs sans faire aucune différence entre le roi et la foule. Cratès n’avait point d’opinion sur les grands. Ils lui importaient aussi peu que les dieux. Les hommes seuls l’occupaient, et la manière de passer l’existence avec le plus de simplicité qu’il est possible. Les objurgations de Diogène le faisaient rire, non moins que ses prétentions à réformer les mœurs. Cratès s’estimait infiniment au-dessus de soucis aussi vulgaires. Il transformait la maxime inscrite au fronton du temple de Delphes, et disait : « Vis toi-même. » L’idée d’une connaissance quelconque lui paraissait absurde. Il n’étudiait que les relations de son corps avec ce qui lui est nécessaire, tâchant à les réduire autant qu’il se peut. Diogène mordait comme les chiens, mais Cratès vivait comme les chiens.
Il eut un disciple dont le nom était Métrocle. C’était un jeune homme riche de Maronée. Sa sœur Hipparchia, belle et noble, devint amoureuse de Cratès. Il est constant qu’elle en fut éprise et qu’elle vint le trouver. La chose paraît impossible, mais elle est certaine. Rien ne la rebuta, ni la saleté du cynique, ni sa pauvreté absolue, ni l’horreur de sa vie publique. Il la prévint qu’il vivait à la manière des chiens, parmi les rues et qu’il quêtait les os dans les tas d’ordures. Il l’avertit que rien ne serait caché de leur vie commune et qu’il la posséderait publiquement, dès que l’envie lui en prendrait, comme les chiens font avec les chiennes. Hipparchia s’attendait à tout cela. Ses parents essayèrent de la retenir : elle les menaça de se tuer. Ils eurent pitié d’elle. Alors elle quitta le bourg de Maronée, toute nue, les cheveux pendants, couverte seulement d’une vieille toile, et elle vécut avec Cratès, habillée semblablement à lui. On dit qu’il eut d’elle un enfant, Pasicle ; mais rien n’est assuré à cet égard.
Cette Hipparchia fut, paraît-il, bonne aux pauvres, et compatissante ; elle caressait les malades avec ses mains ; elle léchait sans aucune répugnance les blessures sanglantes de ceux qui souffraient, persuadée qu’ils étaient à elle ce que les brebis sont aux brebis, ce que les chiens sont aux chiens. S’il faisait froid, Cratès et Hipparchia couchaient serrés contre les pauvres et tâchaient de leur donner part à la chaleur de leur corps. Ils leur prêtaient l’aide muette que les animaux se prêtent les uns aux autres. Ils n’avaient aucune préférence pour aucun de ceux qui s’approchaient d’eux. Il leur suffisait que ce fussent des hommes.
Voilà tout ce qui est parvenu à nous au sujet de la femme de Cratès ; nous ne savons quand elle mourut, ni comment. Son frère Métrocle admirait Cratès et l’imita. Mais il n’avait point de tranquillité. Sa santé était troublée par des flatuosités continuelles, qu’il ne pouvait retenir. Il se désespéra et résolut de mourir. Cratès apprit son malheur, et voulut le consoler. Il mangea un chénix de lupins et alla voir Métrocle. Il lui demanda si c’était la honte de son infirmité qui l’affligeait à ce point. Métrocle avoua qu’il ne pouvait supporter cette disgrâce. Alors Cratès, tout gonflé de lupins, lâcha des vents en présence de son disciple, et lui affirma que la natute soumettait tous les hommes au même mal. Il lui reprocha ensuite d’avoir eu honte des autres et lui proposa son propre exemple. Puis il lâcha encore quelques vents, prit Métrocle par la main, et l’emmena.
Tous deux restèrent longtemps ensemble parmi les rues d’Athènes, sans doute avec Hipparchia. Ils se parlaient fort peu. Ils n’avaient honte d’aucune chose. Bien que fouillant aux mêmes tas d’ordures, les chiens paraissaient les respecter. On peut penser que, s’ils eussent été pressés par la faim, ils se seraient battus les uns les autres à coups de dents. Mais les biographes n’ont rien rapporté de ce genre. Nous savons que Cratès mourut vieux ; qu’il avait fini par demeurer toujours à la même place, étendu sous l’appentis d’un magasin du Pirée, où les marins abritaient les ballots du port ; qu’il cessa d’errer pour trouver des viandes à ronger, ne voulut plus même étendre le bras, et qu’on le trouva, un jour, desséché par la faim."
Cratès, Cynique issu des Vies imaginaires de Marcel Schwob (1894-1895).
Ici, la vie du même philosophe par Diogène Laërce. L'image représente Cratès et Hipparchia, sur un des murs de la villa Farnesina. Je me reprends un morceau de tarte, bon dimanche.
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vendredi 19 novembre 2010
Moondog and Suncat Suites
jeudi 18 novembre 2010
Ar baradoz - Au Paradis
"Breizhiselad est une tentative de réécriture de pièces maîtresses de la musique traditionnelle de Basse Bretagne. En dehors de quelques prises de sons, la matière de ce disque est entièrement constituée d'extraits de deux chansons de la face A d'un disque 25cm des années 50 ou 60. L'enregistrement est mono, réédition (augmentée) d'un 78t paru dans les années 40.
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La généalogie de ce projet commence par la découverte de ce disque par un cousin breton, Thibaut Leguillou, chez sa grand-mère. Dès la première écoute, j'ai trouvé cet enregistrement à la fois génial et horrible. Horrible par les arrangements du type musique chorale de catéchisme, et génial par la beauté de la mélodie et la conviction que mettent les chanteurs. Autre particularité, l'importance du support. Le vinyle source est presque effacé à force d'avoir été trop écouté, comme poli, abrasé sous une mer de craquements.
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Mon projet a donc consisté en la transposition d'une musique traditionnelle dans le genre électroacoustique, avec une volonté de conserver les points forts de la source tout en effaçant l'édulcoration cléricale subie par ces chants populaires.
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Si le disque source a tant été écouté par une génération antérieure, c'est qu'il noue, différentes problématiques qui ont résonné dans la tête des auditeurs. Il est un des premiers enregistrements où la langue bretonne retrouve sa place après quelques décennies de mise à mal et de censure.
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L'édition sur disque, un support moderne, dans une collection nationale a constitué une revalorisation de chants et d'une langue qui étaient dépréciés et considérés comme obsolète par l'intelligentsia et l'état. D'autre part les thématiques abordées par les chants sont celle de l'espoir en des jours meilleurs : Ar baradoz « Le paradis » et l'attache au pays : Bro goz ma zadou. Le premier est prétendument attribué à un saint, mais plus vraisemblablement écrit par Michel Le Noblez de Kerodern au XVIe siècle. Le second est une adaptation par Taldir Jaffrenou, au milieu du XIXe, d'un chant traditionnel Gallois parmi les plus populaires.
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Composé entre mai et octobre 2003 avec une pédale de délai sophistiquée : GSP 2101, un module de traitement TC (G Force) et des dispositifs électroniques construits à la main. Cette pièce n'utilise pas Max-MSP."
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lundi 15 novembre 2010
Ciné-transe
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« Quand l’anthropologue arrive, les dieux s’en vont. » (Dicton haïtien)
« Pour moi, donc, la seule manière de filmer est de marcher avec la caméra, de la conduire là où elle est la plus efficace, et d’improviser pour elle un autre type de ballet où la caméra devient aussi vivante que les hommes qu’elle filme (…). Alors, au lieu d’utiliser le zoom, le cameraman réalisateur pénètre réellement dans son sujet, précède ou suit le danseur, le prêtre, l’artisan, il n’est plus lui-même mais un “œil mécanique” accompagné d’une “oreille électronique”. C’est cet état bizarre de transformation de la personne que j’ai appelé, par analogie avec les phénomènes de possession, la “ciné-transe”. »
Jean Rouch, La Caméra et les Hommes. Pour une anthropologie visuelle. Mouton, 1978.
Après quelques films d’inspiration surréaliste, la cinéaste américaine Maya Deren (1917-1961) concrétise son intérêt pour la danse et les rituels vaudous en séjournant à plusieurs reprises à Haïti en 1947, puis en 1954. La réalisatrice y collecte un matériel sonore, photographique et cinématographique incroyable, montrant que le projet ethnographique initial s’est vite transformé en obsession. L’investissement de Maya Deren est tel qu’elle sera initiée comme prêtresse vaudou. Le livre Divine Horsemen. The Living Gods of Haïti et cinq heures d’images filmées témoignent de son travail. En effet, la mort prématurée de Maya Deren l’empêche d’achever son film et c’est donc son mari Teiji Ito qui en présentera un montage en 1981. Le résultat montre un monde étrange, presque onirique, dans lequel la caméra aide à faire croire au phénomène de la possession. Mouvement, envol et lumière.
Inutile de présenter Jean Rouch (1917-2004) : cinéaste anthropologue, précurseur de la Nouvelle Vague, inventeur de la « ciné-transe », etc. Son film Les maîtres fous (1954), tourné au Niger, reste un choc par ses choix esthétiques et par ses implications morales, historiques et religieuses. Pour introduire cette œuvre unique, il est peut-être préférable de reprendre les propres mots de Jean Rouch : "Venus de la brousse aux villes de l'Afrique Noire, de jeunes hommes se heurtent à la civilisation mécanique. Ainsi naissent des conflits et des religions nouvelles. Ainsi s'est formée, vers 1927, la secte des Haouka. Ce film montre un épisode de la vie des Haouka de la ville d'Accra. Il a été tourné à la demande des prêtres, fiers de leur art Mountyeba et Moukayla. Aucune scène n'en est interdite ou secrète mais ouverte à ceux qui veulent bien jouer le jeu. Et ce jeu violent n'est que le reflet de notre civilisation".
.samedi 13 novembre 2010
Cecile et Maria
lundi 8 novembre 2010
jeudi 4 novembre 2010
A Journey South
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mercredi 3 novembre 2010
Au Cercle des cinés
lundi 1 novembre 2010
A propos de Nice
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A propos de Nice de Jean Vigo (1929) fait partie de ces films qui à la fin des années 1920 font de la Ville leur personnage principal (voir également Berlin, symphonie d'une grande ville de Walter Ruttman en 1927 ou L'homme à la caméra de Dziga Vertov en 1929). On y voit le casino, le bronzage sur la plage, les danses du carnaval... Surtout, ces images lumineuses et joyeuses sont troublées par l'apparition brusque de scènes violentes qui en disent long sur le regard du réalisateur : un homme a le visage brûlé alors qu'il bronzait, une femme se retrouve dévêtue dans sa chaise longue, un cireur de chaussures nettoie des pieds nus. C'est que Jean Vigo, dont le père était un célèbre anarchiste, souhaite montrer que sous le soleil, les inégalités sociales subsistent. Le film se fait dès lors œuvre de combat, mais comme l'a remarque J.-L. Comolli en accentuant "la fébrilité érotique de la ville, la griserie du ballet des corps et des passages - jusqu'à l'orgasme, (...) par une exacerbation, une ivresse du montage." (Voir et pouvoir, 2004, p. 549)
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L'intérêt pour le cinéma soviétique de Vigo explique en grande partie la forme prodigieuse du film. Plongées, contreplongées, ralentissements d'images, vues aériennes et science du montage participent à la création d'un véritable chef-d'œuvre visuel. Pour l'anecdote, Jean Vigo s'est fait aider par le directeur de la photographie Boris Kaufman, frère cadet de Dziga Vertov justement. Ayant dû endurer les affres de la censure, Jean Vigo n'a réalisé que quatre films et est mort de septicémie à 29 ans. On part à Nice ?
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