Refus
22 janvier 1922
Gentioux-Pigerolles (Creuse)
Loups-Garous
15e-16e siècles
Ferme de La Valade près de Rochechouart (Haute-Vienne)
On continue notre lecture des textes de Pierre Bergounioux avec Paysages insoumis, le très beau livre de photographies de Thierry Girard (Loco, 2012), pour lequel il a écrit, en guise de préface, un historique de l'insoumission (de Sumer à Tarnac en quelques pages, et oui). Passée cette ouverture de Bergounioux, le livre montre toute une série de vues prises dans le Limousin, dans une région dont l'histoire a eu, à de nombreuses reprises, maille avec la résistance et la rébellion : révoltes paysannes, émeutes ouvrières, résistance durant la guerre... Chaque photo est accompagnée d'un texte racontant un évènement ayant eu lieu dans un passé plus ou moins lointain. Souvent, un décalage existe entre ce qui est vu et ce qui est lu : la nature a repris ses droits, des maisons, un ferme ont été construites... Cette démarche montre à nouveau que l'histoire d'un lieu ne résulte jamais de l'accumulation des traces visibles de son passé. Toujours, les strates du paysage doivent être dégagées par d'autres moyens que ceux de la cornée et de la bêche.
Ci-dessous, les textes accompagnant les photographies en haut.
"R E F U S
Le 29 janvier 1922, la municipalité de
Gentioux-Pigerolles décide de la construction d’un monument aux morts
unique en son genre : au lieu de célébrer la Victoire et de pleurer les
Morts, un orphelin en sarrau, la blouse de l’écolier, tend un poing
rageur vers cette inscription : “Maudite soit la guerre”. Ce monument
qui fut inauguré en novembre 1922 par la municipalité d’alors, en
l’absence des représentants de l’État, ne fut officiellement reconnu
qu’en 1985. Pacifistes, anarchistes, libres-penseurs viennent chaque 11
novembre se recueillir devant le monument."
"L O U P S - G A R O U S
De la fin du Moyen Âge à la fin de la
Renaissance, on dénombra 30 000 procès de loups-garous. La plupart des
supposés renégats furent brûlés vifs. Des milliers d’autres périrent
sans autre forme de procès. Dès qu’un villageois était soupçonné d’être
un loup-garou, il était attrapé et écorché vif, car la croyance voulait
que l’on trouvât les poils de la bête, cachés sous la peau. Ces paysans,
ces gueux, parce qu’ils étaient asociaux ou “sauvages“, ou que leur
pratique religieuse, teintée de restes de paganisme ou de soupçons de
sorcellerie, n’était pas jugée suffisamment “catholique”, furent ainsi
les victimes expiatoires d’une de ces Grandes Peurs qui enflammèrent
l’Europe au cours des siècles. On peut aussi considérer que nombre
d’entre eux, y compris des nobles, des bourgeois et des artisans, qui
voulurent exprimer par leur différence une forme de résistance à une
société ruinée par les Guerres de Religion et soumise à la fois au
désordre et à l’intolérance, furent assimilés de fait à des
loups-garous. On note la présence de nombreux loups-garous à
Rochechouart où l’on évoque les sabbats sataniques autour de la croix de
Blancharaux, sise au pied du château, ainsi que les villages suspects
de Babaudus, Biennac et La Valade... Où il n’y a plus aujourd’hui qu’une
seule ferme occupée par trois chiens à l’aboiement vif et un paysan
célibataire plutôt timide et sauvage qui, lors des labours, s’amuse à
ramasser des pierres de météorite dans ses champs (Rochechouart
tiendrait son nom d’une météorite qui aurait chu…)."