mercredi 4 février 2009

Sous le soleil de Satan

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Jusqu'il y a peu, il était souvent difficile de trouver en librairie les oeuvres de cet immense écrivain qu'est Georges Bernanos (1888-1948). Heureusement, les éditions Le Castor Astral ont entrepris récemment un travail de réédition bienvenu. Sont déjà parus : Les Grands Cimetières sous la lune (1938), Sous le soleil de Satan (1926) et Monsieur Ouine (1943).
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Dans cette oeuvre cohérente, interrogations sur la nature de la foi et de la sainteté, combats entre Bien et Mal et études psychologiques fouillées des personnages ne riment jamais avec mysticisme mièvre et suranné. Avec une puissance implacable, l'auteur assène sa vision de la destinée humaine, partagée entre Liberté, Néant et sujétion au poids du Péché originel. Nul besoin de préciser que ces textes magnifiques sont loin de s'adresser uniquement aux croyants.
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"Ô vous, qui ne connûtes jamais du monde que des couleurs et des sons sans substance, cœurs sensibles, bouches lyriques où l’âpre vérité fondrait comme une praline – petits cœurs, petites bouches – ceci n’est point pour vous. Vos diableries sont à la mesure de vos nerfs fragiles, de vos précieuses cervelles, et le Satan de votre étrange rituaire n’est que votre propre image déformée, car le dévot de l’univers charnel est à soi-même Satan. Le monstre vous regarde en riant, mais il n’a pas mis sur vous sa serre. Il n’est pas dans vos livres radoteurs, et non plus dans vos blasphèmes ni vos ridicules malédictions. Il n’est pas dans vos regards avides, dans vos mains perfides, dans vos oreilles pleines de vent. C’est en vain que vous le cherchez dans la chair plus secrète que votre misérable désir traverse sans s’assouvir, et la bouche que vous mordez ne rend qu’un sang fade et pâli… Mais il est cependant… Il est dans l’oraison du Solitaire, dans son jeûne et sa pénitence, au creux de la plus profonde extase, et dans le silence du cœur… Il empoisonne l’eau lustrale, il brûle dans la cire consacrée, respire dans l’haleine des vierges, déchire avec la haire et la discipline, corrompt toute voie. On l’a vu mentir sur les lèvres entrouvertes pour dispenser la parole de vérité, poursuivre le juste, au milieu du tonnerre et des éclairs du ravissement béatifique, jusque dans les bras même de Dieu… Pourquoi disputerait-il tant d’hommes à la terre sur laquelle ils rampent comme des bêtes, en attendant qu’elle les recouvre demain ? Ce troupeau obscur va tout seul à sa destinée… Sa haine s’est réservé les saints."
Extrait de La tentation du désespoir, seconde partie de Sous le soleil de Satan.
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