vendredi 5 août 2011

Avant-dernières pensées (5)

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On achève le cas Satie avec un extrait de ses Mémoires d'un Amnésique (15 avril 1912), également repris dans le volume Fumisteries paru récemment chez Omnibus :
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"Tout le monde vous dira que je ne suis pas musicien. C'est juste.
Dès le début de ma carrière, je me suis, de suite, classé parmi les phonométrographes. Mes travaux sont de la pure phonométrique. Que l'on prenne le "Fils des Etoiles" ou les "Morceaux en forme de poire", "En habit de cheval" ou les "Sarabandes", on perçoit qu'aucune idée musicale n'a présidé à la création de ces œuvres. C'est la pensée scientifique qui domine.
Du reste, j'ai plus de plaisir à mesurer un son que je n'en ai à l'entendre. Le phonomètre à la main, je travaille joyeusement et sûrement.
Que n'ai-je pesé et mesuré ? Tout de Beethoven, tout de Verdi, etc. C'est très curieux.
La première fois que je me servis d'un phonoscope, j'examinai un si bémol de moyenne grosseur. Je n'ai, je vous assure, jamais vu chose plus répugnante. J'appelai mon domestique pour le lui faire voir.
Au phono-peseur un fa dièse ordinaire, très commun, atteignit 93 kilogrammes. Il émanait d'un fort gros ténor dont je pris le poids.
Connaissez-vous le nettoyage des sons ? C'est assez sale. Le filage est plus propre ; savoir les classer est très minutieux et demande une bonne vue. Ici nous sommes dans la phonotechnique.
Quand aux explosions sonores, souvent si désagréables, le coton, fixé dans les oreilles, les atténue, pour soi, convenablement. Ici, nous sommes dans la pyrophonie.
Pour écrire mes "Pièces froides", je me suis servi d'un caléidophone-enregistreur. Cela pris sept minutes. J'appelai mon domestique pour les lui faire entendre.
Je crois pouvoir dire que la phonologie est supérieure à la musique. C'est plus varié. Le rendement pécuniaire est plus grand. Je lui dois ma fortune.
En tout cas, au motodynamophpone, un phonométreur médiocrement exercé peut, facilement, noter plus de sons que ne le fera le plus habile musicien, dans le même temps, avec le même effort. C'est à grâce à cela que j'ai tant écrit.
L'avenir est donc à la philophonie."
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