jeudi 25 août 2011

Ranimer le dieu mort

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Les arbres aussi sont des maîtres fous.
On songeait ce matin à la Festa della pita qui a lieu chaque printemps à Alessandria del Carretto en Calabre. Là, les habitants coupent un sapin dans la montagne, le portent jusqu'au centre du village et l'érigent en mât avant de le brûler. Cette fête d'origine païenne a magnifiquement été filmée en 1959 par Vittorio de Seta dans I Dimenticati (Les Oubliés) et plus récemment par Michelangelo Frammartino dans Le quattro volte (dont on avait parlé ici).
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En lisant Mythologie des arbres de Jacques Brosse (Petite Bibliothèque Payot, 1989, pp. 169-170), je tombe sur un passage concernant les fêtes antiques du pin sacré qui évoquent la Festa della pita, en plus "désinhibé"... Les fêtes en question durent plusieurs jours, je n'en retranscris ici que la première partie. Je rêverai d'entendre la musique évoquée...
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"Les fêtes du pin sacré.
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Elles commençaient par "l'entrée du roseau". En cette première journée, la confrérie des cannophores (porteurs de roseau) plaçait dans le temple des roseaux coupés, représentant ceux parmi lesquels Cybèle avait découvert le petit Attis, au bord du fleuve Sangarios. Une semaine plus tard, les "porteurs de l'arbre" (dendrophores) amenaient de la forêt où ils étaient allés le couper le pin sacré dont le tronc était emmailloté dans des bandelettes, tel un cadavre, celui du dieu mort, figuré sous la forme de son effigie, posée sur l'écorce et décorée de guirlandes de violettes, nées du sang du dieu, comme les anémones du sang d'Adonis.
Le 23 mars, résonnaient les trompettes que l'on venait de purifier ; elles annonçaient probablement le "Jour du sang". Le 24 mars, le grand prêtre d'Attis, l'archigalle, s'entaillait le bras et présentait son sang en offrande au pin sacré, tandis que résonnaient cymbales et tambourins, que mugissaient les cors accompagnés de flûtes stridentes. C'était le signal auquel obéissaient les autres prêtres qui se précipitaient, échevelés, dans une danse sauvage. Ils se flagellaient jusqu'au sang, se lacéraient avec des couteaux. La frénésie gagnait alors certains néophytes qui, parvenus au comble de l'excitation, s'amputaient de leur organe viril et le lançaient sur la statue de Cybèle en oblation. Ces réceptacles de fécondité étaient alors respectueusement enveloppés, puis enterrés dans le sol ou dans des chambres souterraines consacrées à la déesse. Ce sang répandu, ces énergies retranchées du corps des hommes ranimaient le dieu mort et avec lui toute la nature qui bougonnait dans le soleil printanier."
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