mercredi 14 janvier 2009

Il ne faut pas confondre les petitesses du monde avec les offenses du monde

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Je découvre le cinéma de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub (en cours d'édition dans la collection, une fois encore, Le geste cinématographique des Editions Montparnasse) via leur film Sicilia ! (1998, 63'). Découverte n'est pas un mot usurpé tant mon impression de révélation face à un cinéma aux formes et procédés inhabituels a été grande.
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Le film est adapté du roman Conversazione in Sicilia d'Elio Vittorini (écrit en 1937-38 et disponible en français dans la collection L'imaginaire, Gallimard). On y suit un émigré sicilien parti aux Etats-Unis depuis de longues années et de retour dans son pays natal. Successivement, il y rencontre un vendeur d'oranges, des voyageurs dans le train, sa mère et enfin un aiguiseur de couteau philosophe. Les conversations qu'il engage avec eux, déclamées sur un mode très théâtral, parlent de l'exil bien sûr, mais aussi de la trahison, de l'amour, de la tradition et de bien d'autres thèmes traités sans tomber dans l'explicatif banalisant.
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Au même plan que le "discours" du film ou les éléments et personnes filmées, la mise en scène assume une grande part de l'émotion suscitée chez le spectateur. D'abord, le cadrage de chaque plan est sublime. Les raccords souvent bruts, les aller-retour de la caméra sur le même paysage et la prise de son directe (j'ai rarement été autant attentif aux chants d'oiseaux ou bruits de machines dans un film) entraînent l'immersion du spectateur dans un nouveau monde. Monde de colère et de regret, mais aussi de sensualité. En effet, on y parle et filme beaucoup de nourriture. L'image du poisson mis à cuire m'a semblé d'une profondeur égale à certaines des plus belles natures mortes peintes au 17e siècle.
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Je ne suis pas certain de servir le film en traduisant mon impression en mots. Pour en avoir une idée par d'autres biais, consultez le dossier rassemblé par l'ancien Globe Glauber BRDF à l'occasion de la sortie du film.

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