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Contrebasse et accessoires de Paul Rogers (Eglise de Fransum)
Aki Takase & the Good Boys (Eglise de Niehove)
.En plus de mon intérêt pour les groupes programmés, divers éléments m'ont poussé à me rendre en Frise pour assister au Zomer Jazz Fiets Tour. L'idée d'un festival en vélo ne me semblait pas incongrue. En effet, ce moyen de locomotion est pour moi définitivement connoté musicalement depuis que je connais Rock n'Roll Station, ce fabuleux morceau de Jac Berrocal où un vélo fournit l'essentiel du cadre sonore. Il y a également mon ami Philippe, grand fan de musique baroque et de VTT, à tel point que j'en viens souvent à associer les deux.
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Mon attirance pour la région est avant tout lié au visionnage du magnifique essai de Johan van der Keuken La jungle plate (1978). Dans ce dernier, le réalisateur a filmé au plus près ce qui constitue le principal attrait de ce coin des Pays-Bas : la Waddenzee, c'est-à-dire une mer qui n'en est une qu'à moitié (à marée basse, on se retrouve devant une immense étendue de boue, les "terres humides", couverte de milliers d'oiseaux). Avec la sensibilité et l'intelligence cinématographiques qui sont les siennes, il passe en revue tous les éléments de cet écosystème unique : faune, flore, paysages et bien entendu humains (ramasseurs de vers de terre, paysans...) et étudie les conséquences souvent néfastes des bouleversements économiques sur ce territoire. La musique, très importante, est composée par Willem Breuker, collaborateur régulier du cinéaste, et culmine lors de la très émouvante Waddenzee Suite (que l'on retrouve notamment sur la compilation des compositions de Breuker pour les films de van der Keuken Music for his films 1967-1994, BVHAAST, 1997).
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Le Zomer Jazz Fiets Tour en est à sa 23e édition. L'idée du festival est de présenter un large panel des meilleurs représentants du jazz hollandais (en allant d'un swing pop à l'improvisation la plus abstraite) et de confronter ces derniers à d'illustres musiciens venant de divers horizons géographiques. Les performances ont lieu dans la campagne de Groningen dans différents lieux (églises, granges) que l'on rejoints en vélo en ayant préalablement choisi son itinéraire. La balade ainsi entreprise permet de traverser une campagne au ciel lourd et aux immenses pâtures vertes battues par le vent marin.
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Un des concerts que j'attendais le plus était celui d'Ab Baars en solo. En effet, ce saxophoniste et clarinettiste est non seulement un des membres de l'ICP Orchestra (on en parlait ici), mais aussi le compositeur d'une musique lyrique et essentielle pour le dernier film de van der Keuken Vacances prolongées (2000). Pour l'occasion, le musicien alterne shakuhachi, clarinette et saxophone dans des pièces composées où le murmure délicat succède à l'explosion et vice versa. L'espace, une église, dans lequel cette démonstration de souffle magistral prend lieu confère au son une véritable consistance physique. Une des dernières pièces est dédiée à son confrère fondateur de l'ICP Misha Mengelberg.
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Je n'avais pas encore eu la chance de voir une performance du pianiste Fred van Hove, ce géant pionnier des musiques improvisées (dès 1968, il participe au légendaire Machine Gun en compagnie de Peter Brötzmann, Evan Parker, Han Bennink...). Ici, il est accompagné par deux excellents contrebassistes : le Hollandais Wilbert de Joode et l'Anglais Paul Rogers. Ce trio est issu du projet B3B dans lequel le pianiste fait à chaque fois appel à deux contrebassistes différents (au dernier festival Météo à Mulhouse, il était ainsi entouré par Barry Guy et Bruno Chevillon). Pour cette longue pièce improvisée, Fred van Hove empoigne d'abord son accordéon, avant de rejoindre son piano, et laisse s'échapper des sonorités funèbres et chancelantes. Très vite, tous trois deviennent littéralement "possédés". Je n'ai jamais vu une telle tension physique dans ce genre d'exercice musical. Les yeux révulsés, Paul Rogers alterne archet, tube en métal et pizzicato, tandis que son confrère frappe son instrument, le fait hurler et en gratte les cordes. Cette représentation d'une beauté effrayante en a laissé plus d'un pantois. En tout cas, ce sera pour moi la véritable révélation du week-end.
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Autre grande découverte : le jeu à couper le souffle de la pianiste japonaise Aki Takase. Cette dernière (qui pour l'anecdote est l'épouse du pianiste Alexander von Schlippenbach) jouait une première fois en duo avec le saxophoniste Louis Sclavis lors de la soirée de prologue au festival. Leur collaboration fonctionne à merveille, que ce soit dans un registre contenu et caressant ou dans des dérives plus explosives (on se réjouit de la future sortie de Yokohama, disque en commun sur Intakt). Le plus notable peut-être est cette façon dont la pianiste investit l'entièreté de son clavier, quand elle n'utilise pas divers objets dans la caisse du piano. Par moments, on dirait qu'elle dompte ce dernier, quasi en le violentant.
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Le lendemain, elle jouait en compagnie de ses Good Boys : Rudi Mahall (clarinette), Tobias Delius (saxophone), Johannes Fink (contrebasse) et Heinrich Köbberling (batterie). Les compositions décoiffantes reposent ici sur des assises rythmiques plus accentuées. La pianiste évacue les notions de genres : free jazz, contemporain, impressionnisme. Tout y passe et toujours avec ces attaques du clavier impressionnantes de virtuosité et si stimulantes pour le spectateur.
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D'autres formations non moins intéressantes auront été entendues durant ce week-end, par exemple les très groove Available Jelly, comprenant quatre transfuges de l'ICP Orchestra ou le Tristan Honsinger Seven Seas Orchestra. Toutes ces formations, ces rencontres démontrent la grande vitalité d'une scène hollandaise fidèle au "Dutch New Swing" qui l'a en partie constituée, mais également ouverte à d'autres horizons revitalisants.
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Pour les courageux qui seraient arrivés au bout de ce texte, je conseille (et cela n'a rien à voir avec ce qui précède, quoique...) ce site qui répertorie quotidiennement les observations d'oiseaux dans la région. Un bon plan pour découvrir les meilleurs endroits où observer sternes, bécasseaux et autres phalaropes.
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