dimanche 13 septembre 2009

Then no sound

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Un des romans qui a le plus changé ma vision de la littérature est sans aucun doute Molloy de Samuel Beckett (Editions de Minuit, 1951). Il suffit parfois que je passe près d'un bois pour penser aux pérégrinations forestières de Molloy et Moran, trébuchant, rampant et finissant, pour le premier, par s'abîmer dans un fossé. Ce texte majeur m'offrait une appréhension nouvelle de la condition humaine. Un état où seul le corps compte, où toute volonté de pensée logique (la scène de partage des cailloux) et de transcendance finit par échouer et montrer sa vacuité.
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C'est grâce à ce récit et d'autres que j'ai lus par la suite (notamment les magnifiques Dépeupleur et Premier amour) qu'en 2007, j'ai visité l'exposition consacrée à l'oeuvre de l'écrivain au Centre Georges Pompidou à Paris. Là, j'ai découvert toutes les connexions qu'elle entretenait avec d'autres champs artistiques : le théâtre bien sûr, le cinéma (le fameux Film avec Buster Keaton en 1966), la peinture (Beckett en était un fin connaisseur, il aurait ainsi eu l'idée d'En attendant Godot en voyant des toiles de Caspar David Friedrich où des gens, vus de dos, observent la lune), mais aussi la musique.
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Beckett rencontre Morton Feldman à Berlin en 1976. Le compositeur, très enthousiaste, demande à Beckett de lui écrire un livret d'opéra. L'écrivain aurait accepté sans jamais avoir entendu une note du musicien ! Quelques semaines plus tard, Feldman recevait le texte de Neither (opéra en un acte pour orchestre de chambre et soprano). Les deux hommes garderont le contact puisqu'en 1987, Beckett suggère le compositeur pour la réadaptation de sa pièce radiophonique Words and Music (créée en 1961).
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J'écoute beaucoup ces derniers temps For Samuel Beckett, la dernière oeuvre achevée par Feldman avant de mourir en 1987. On est évidemment tenté de trouver des similitudes entre cette composition pour un ensemble instrumental mixte et l'oeuvre de Beckett : appauvrissement apparent du matériau thématique, fausse simplicité de la forme et importance du silence (équivalent à la mort ?). L'aspect hoquetant de la musique pourrait aussi évoquer la dégradation et la perte du langage dans certains des textes de l'écrivain. Une pièce majeure et belle donc où, comme dans d'autres oeuvres de Feldman, on a l'impression d'être immergé dans un univers où le sentiment de claustrophobie s'accompagne d'un émerveillement face aux richesses de texture sonore. Il en existe une belle interprétation chez Hat Hut, enregistrée en 1991 par l'Ensemble Modern et conduite par Arturo Tamayo.
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The Modern Word, un site web très complet sur Samuel Beckett, s'intéresse aux rapports que son oeuvre entretient avec la musique. Le titre de ce post est issu du texte de Neither.
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