Dans l'Essai d'ouverture de Luc Moullet, le mélange d'absurde et de tragique s'incarne principalement dans le réalisateur à l'allure cartoonesque. Même si on rit beaucoup durant la vision de ce court métrage, le côté monomaniaque confinant à l'obsession de cet homme passant sa vie à essayer d'ouvrir une bouteille de coca peut mettre mal à l'aise. Ce type d'humour qui peut à tout moment basculer se retrouve dans ses autres films dont six ont été réédités dans un coffret en 2006.
.Dans Genèse d'un repas (1978), le cinéaste se met à nouveau en scène et s'interroge sur les différentes chaînes de production qui lui ont permis de déguster une omelette, du thon en boîte et des bananes. Il part alors à la rencontre des cultivateurs, éleveurs, grossistes, importateurs et autres fabricants. Il les questionne sur leur salaire et leur confort de travail et révèle ainsi des incohérences, et même des injustices et des mensonges, au niveau des stratégies publicitaires ou encore des différences de traitement entre ouvriers du nord et du sud.
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Le réalisateur va même plus loin. Il part en effet de l'idée que toute personne qui vit et donc consomme de quelque manière que ce soit est coupable par rapport à certains de ses semblables. Il va donc remonter la chaîne de production des pellicules qu'il emploie pour son film et finir par se mettre en cause. Par rapport aux gens qu'il a interviewés, est-il un voyeur, un exploiteur d'un nouveau genre ? Cette interrogation sur le rôle et les procédés du cinéaste-documentariste achève un film qui va donc plus loin qu'une charge simpliste contre le système capitaliste.