"La présence de l'humanité dans sa
multitude est toujours là dans mon travail. Ce grand nombre est parfois évoqué par
des tonnes de vêtements usés, par des centaines de photographies, ou
par des milliers d'objets perdus (que je recueille au Bureau des Objets
Trouvés), ou encore par de longues listes de noms, ceux d'ouvriers dans
une usine du nord de l'Angleterre au 19e siècle, ou ceux des
artistes ayant participé à la Biennale de Venise depuis sa création.
Le nombre, le côté presque interchangeable de l'être humain et son unicité,
son caractère propre, sont une des oppositions sur lesquelles je travaille. Je m'intéresse à ce
que j'ai appelé La petite mémoire, une mémoire affective, un savoir
quotidien, le contraire de la grande mémoire préservée dans les
livres. Cette petite mémoire, qui forme pour moi notre singularité, est extrêmement
fragile, et elle disparaît avec la mort. Cette perte d'identité, cette égalisation
dans l'oubli sont très difficiles à accepter ; par exemple, quand
on regarde des centaines de crânes, ils ont tous l'air identiques."
Christian Boltanski, « La
petite mémoire », Le Voyage au Pérou, Christian
Boltanski. Dernières années, catalogue du Musée d'art moderne de
la ville de Paris, 1998.
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