Dans son essai L'archéologie dans l'Antiquité. Tourisme, lucre et découvertes (Les Belles Lettres, 2014), Robert Turcan interroge notamment la manière dont les antiques envisageaient leur propre antiquité, par le biais de la fouille archéologique. Passionnantes et souvent surprenantes sont les manières dont les fouilles étaient entreprises, suite à des présages, des injonctions divines ou le travail d'animaux détectives. Il faut avouer que cela est bien plus poétique que des fouilles entamées suite à des recherches par SIG ou des travaux de terrassement pour de futurs supermarchés... L'extrait (pp. 88-90) qui suit concerne les découvertes dues aux fantômes et revenants (je ne reproduis pas les appels de notes) :
"Les morts peuvent à l'occasion susciter une fouille.
On connaît la lettre où Pline le Jeune parle d'une maison d'Athènes, vaste et confortable, mais hantée la nuit par un spectre, qui fait retentir ses entraves et ses chaînes de fer. Aussi cette demeure est-elle mise en vente. Mais aucun acquéreur n'ose se présenter, quand le philosophe Athénodore, voyant l'affiche et malgré les mauvais bruits, décide de la louer. Il s'y installe, se fait préparer un lit de travail, des tablettes, un stylet, une lampe, afin de consacrer sa nuit à l'étude. Le cliquetis des chaînes ne le détourne pas de son occupation. Mais le fantôme se rapproche de lui et, lorsqu'Athénodore se retourne, il le voit sur le seuil qui lui fait signe de le suivre. Le philosophe prend donc sa lampe et sort dans la cour, où l'apparition s'évanouit brusquement. Il en marque l'endroit avec des herbes et des feuilles. Le lendemain matin, il se rend auprès des magistrats, leur expose l'affaire et leur conseille de faire défoncer le sol à la place indiquée. On y trouve des os enchainés, restes d'un corps rongé par le temps et la putréfaction. On les inhume rituellement, et désormais la maison n'a plus de visiteur nocturne.
Lucien nous conte une histoire analogue, mais que le narrateur réinvente à sa manière. Le héros en est le pythagoricien Arignôtos et la maison hantée tombe en ruines. Le toit s'effondre et personne n'a l'audace d'en franchir le seuil. Arignôtos se munit de livres égyptiens traitant des revenants. Le "démon" se présente. Il se change en chien, en taureau ou en lion pour terroriser l'hôte, qui s'est accomodé de la chambre la plus vaste des lieux. Mais le philosophe a réservé au démon "la plus effrayante incantation" et l'accule dans le coin d'une pièce obscure. Notant alors l'endroit où le spectre a "sombré", il peut dormir en paix. Le lendemain, il mène ses amis, qui ont tremblé pour lui, là où il a vu disparaître le fantôme. On se met à creuser et, à environ une brasse (1,776 m) de profondeur, on détecte un vieux cadavre dont les os seuls conservaient le schéma d'un corps humain. On leur donne alors une sépulture décente, et désormais la maison cesse d'être infestée."
1 commentaire:
Cela m'évoque évidemment la pensée de la mort chez les Tarahumaras et les rites de l'adieu, la "despedida".
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