Né en 1909, le poète grec Yannis Ritsos est déporté de 1948 à 1952 dans des camps sur les îles de Limnos, Makronissos et Aï-Stratis à cause de ses convictions politiques (il est membre du Parti communiste grec depuis la fin des années 1920). C'est là qu'en cachette, il écrit des poèmes qui rendent compte de son expérience de la brimade et de la captivité. Ces textes, concis et d'une grande force expressive (j'ai souvent pensé aux Haïkus de prison de Volodine ou, dans un autre registre, aux Récits de la Kolyma de Chalamov), sont ensuite placés dans des bouteilles et enterrés dans le sable. Certains de ses poème sont édités en français sous le titre de Temps pierreux, mais c'est du Journal de déportation (tous deux aux éditions Ypsilon), que je tire les extraits suivants :
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pp. 115-117 : "19 février
Soleil glacial. Il ne réchauffe pas.
Dix jours de tempête.
Les malades n'ont pas d'appétit.
Et tous sont malades.
Nous jetons beaucoup de pain à la mer.
Au moins les mouettes le mangent.
La discussion s'interrompt vite.
Nous restons hors de notre voix.
Nous écoutons, nous n'écoutons pas les vagues.
Sous chaque mot
il y a un mort."
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p. 77 : "2 décembre
Le ciel est un trou.
On y est à l'étroit."
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pp. 145-147 : "30 mai
Les soldats sur le muret
mal rasés
une tristesse baille dans leurs yeux
ils écoutent les haut-parleurs de la mer
ils n'écoutent rien
peut-être voudraient-ils oublier.
Au crépuscule
ils se rendent lentement à la ravine pour faire leurs besoins
quand ils boutonnent leur caleçon
leur oeil saisit la nouvelle lune.
Le monde aurait pu être beau."
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