vendredi 8 juillet 2011

Fermer les portes

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Dans son introduction à La poésie gauchesque, un des essais de Discussion (1932), Borges écrit ceci : "Il paraît qu'on demanda un jour à Whistler combien de temps il lui avait fallu pour peindre un de ses Nocturnes et qu'il répondit : "Ma vie entière." Il aurait aussi bien pu répondre qu'il lui avait fallu tous les siècles qui avaient précédé le moment où il avait peint. De cette correcte application de la loi de causalité il s'ensuit que le moindre fait présuppose l'inconcevable univers et qu'inversement le moindre fait lui est nécessaire. Rechercher les causes d'un phénomène, (...), c'est avancer dans l'infini (...)."
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Comment alors comprendre et raconter une vie ? Quel fil tirer afin d'expliquer le moment et le lieu d'une personne ? Pourquoi mon voisin d'en face grave-t-il des armes ? Qu'a été faire en Afrique cet autre voisin, vendeur de fusils et d'assurances (je suis décidément bien entouré) ? Même (et peut-être surtout) s'ils font partie d'un ordre cosmique, tout ce qu'on pourra dire sur ceux-ci sera toujours approximatif. Pourtant, j'ai la nette impression qu'essayer de reconstituer leur parcours pourrait d'une certaine manière m'aider, même si je ne sais pas en quoi. Cette tentative doit-elle passer par l'enquête ou par l'invention ? Je ne sais pas. Peut-être vaut-il mieux que je dispose à nouveau des pots de fleurs à ma fenêtre et que j'abaisse le volet, définitivement. Au moins, les étoiles ne m'éblouiraient plus.
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