Nos vies nous éloignent du sol. Elles nous empêchent aussi de voir le ciel. Parfois, je rejoins le plus haut point du terril, dans un endroit protégé du vent et des passants, et je m'y couche. La terre est froide, des déchets m'entourent, peu importe. Plus souvent omineux que limpide, le ciel me délivre à nouveau les signes qu'enfant, je tentais souvent de déchiffrer. Mais désormais, mon imagination a conscience d'elle-même et le jeu n'a ni la force, ni l'authenticité des croyances liées aux jeunes années. Parfois, une personne survient, s'inquiète de mon état et interrompt mes ruminations. Je lui réponds qu'elle n'a pas de souci à se faire. Je vais rester encore un peu. Et d'ailleurs, on ne dérange pas le prince André qui vient de tomber sur le champ de bataille d'Austerlitz.
Il n'y a plus rien.
En avant.
« Qu’est-ce qui se passe ? Je tombe ? Mes jambes se dérobent », se demanda-t-il et il tomba sur le dos.
Il ouvrit les yeux, voulant savoir comment s’était terminée la lutte des Français et des artilleurs, si le rouquin avait été tué ou non, si les canons avaient été pris ou sauvés. Mais il ne vit rien. Au-dessus de lui il n’y avait que le ciel, un ciel haut, légèrement voilé et cependant infiniment haut, sur lequel glissaient lentement des nuages gris. « Quel silence, quelle paix et quelle majesté ! songeait le prince André. Ce n’est plus du tout comme lorsque je courais, plus du tout comme lorsque nous courions, criions et nous battions, plus du tout comme lorsque le Français et l’artilleur, le visage convulsé de terreur et de rage, s’arrachaient le refouloir. Ce n’est pas du tout ainsi que glissent les nuages dans ce ciel infiniment haut. Comment se fait-il que je ne voyais pas auparavant ce ciel infini ? Et quelle joie de le connaître enfin ! Oui, tout est vanité, tout est mensonge à part ce ciel. Rien, rien n’existe que lui… Mais cela aussi n’existe pas. Il n’y a rien. Il n’y a rien, il n’y a rien que le silence, le repos… Et Dieu en soit loué !… »
Il ouvrit les yeux, voulant savoir comment s’était terminée la lutte des Français et des artilleurs, si le rouquin avait été tué ou non, si les canons avaient été pris ou sauvés. Mais il ne vit rien. Au-dessus de lui il n’y avait que le ciel, un ciel haut, légèrement voilé et cependant infiniment haut, sur lequel glissaient lentement des nuages gris. « Quel silence, quelle paix et quelle majesté ! songeait le prince André. Ce n’est plus du tout comme lorsque je courais, plus du tout comme lorsque nous courions, criions et nous battions, plus du tout comme lorsque le Français et l’artilleur, le visage convulsé de terreur et de rage, s’arrachaient le refouloir. Ce n’est pas du tout ainsi que glissent les nuages dans ce ciel infiniment haut. Comment se fait-il que je ne voyais pas auparavant ce ciel infini ? Et quelle joie de le connaître enfin ! Oui, tout est vanité, tout est mensonge à part ce ciel. Rien, rien n’existe que lui… Mais cela aussi n’existe pas. Il n’y a rien. Il n’y a rien, il n’y a rien que le silence, le repos… Et Dieu en soit loué !… »
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