Lulu naît le 8 avril 1949 dans un sous-bois de Campine et suit sa mère en frottant les fougères. Avec son cri râpeux, il attire les balles et fait frissonner les amateurs de sous-bois. Il grandit, colchide et picore d'éventuelles partenaires avant de se faire étaler un beau matin du printemps 1952. Un coup de froid brutal avait ramené la neige. Un taxidermiste expérimenté lui fait sa première et dernière toilette. Bientôt, l'animal prêt à s'envoler pour l'éternité orne un meuble dans le fond d'une petite classe de Geel (Je komt er, Je blijft er). Les épaules d'enfants s'affaissent. Pour sa retraite, Gabriel le professeur revient chez sa mère à Oupeye, au nord de Liège, et emporte l'oiseau. Nous sommes en 1983. Lulu surveille désormais la table du salon et s'imprègne de l'odeur du bouilli. Les années passent, Maman meurt, Fiston meurt, le vide-greniers arrive. Le faisan entame alors un long voyage, allant d'un perchoir digne à une caisse vermoulue, passant par un château hesbignon et un hôtel de la Côte. Un long séjour dans une cave, confortable au demeurant, et il émerge enfin sur une brocante de quartier près de chez moi. C'était il y a deux semaines et je l'ai ramené à la maison. Il découvre peu à peu notre intérieur. Deux jours dans le salon, deux jours dans la cuisine. Cette nuit, au-dessus de mon lit. Ce matin, je l'ai promené sur le terril. Et tout semblait à sa place. On ne peut certes écrire que Lulu incarne le "pur jailli d'une bête", mais le terreau goûte bon. En avant.
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