Pour son ouvrage Les chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline (Denoël, 2009, traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat), l'historien Orlando Figes a utilisé les témoignages oraux de plusieurs centaines de sans-noms (voir liste ci-dessus) et a consulté d'innombrables sources écrites (archives officielles, correspondances, journaux intimes...). Ce travail d'heuristique impose d'emblée le respect par son ampleur, mais aussi et surtout par la manière dont il fait entendre des voix restées muettes durant des décennies. L'objet du livre est de restituer la manière dont le régime stalinien a affecté, pour ne pas dire infecté, la vie privée, les relations de famille, le lien de l'individu à la collectivité. Il ne s'agit pas de faire le récit des péripéties politiciennes, mais de tenter de dresser le portrait, tantôt poignant, tantôt glaçant, de l'Homme russe de 1917 au début du 21e siècle, dans toute sa diversité. Les récits de courage, de résignation, de trahison, de peur le plus souvent, de silence aussi, se succèdent au fil d'un bon millier de pages terrifiantes, qui laissent pantois en même temps qu'admiratif. La rigueur de ce travail de synthèse n'empêche pas Orlando Figes de démontrer un puissant talent de conteur et de faire de ces chuchoteurs nos proches, nos semblables même, pour le meilleur et pour le pire.
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