vendredi 18 décembre 2009

Flûtes sacrées

1994, Middle Sepik River, Papua New Guinea - Papua New Guinean Sacred Flute Players - (Image by © Chris Rainier/CORBIS)
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Récemment, j'ai visionné le portrait du musicien, théoricien de la musique et critique David Toop I never promise you a rose garden (un film présenté plus en détails ici et réalisé dans le cadre de la série de l'Observatoire des Musiques Electroniques par Guy-Marc Hinant de Sub Rosa et Dominique Lohlé). Les discussions amorcées autour de l'écoute de certains des disques de l'immense collection de Toop semblent le plus souvent en revenir à ce questionnement crucial : qu'est-ce qui est de la musique ? Le fait d'être captés (ou simplement écoutés in situ) confère-t-il à des sons divers (cérémonies, chants d'animaux, phénomènes climatiques...) un statut semblable à des oeuvres musicales, qu'elles soient improvisées ou écrites ? Ces propos sont illustrés par des enregistrements fascinants, dont on s'est empressé de prendre note (de la musique de cour coréenne, des oiseaux du Venezuela, du John Cage, les grenouilles de Felix Hess...).
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Parmi ces disques, les deux volumes de Sacred Flute Music from New Guinea (publiés initialement sur Quartz, le label de David Toop, en 1977 et réédités en 1999 par Rounder) balaient toute hésitation. Il s'agit probablement de la musique la plus 'essentielle' que j'ai pu entendre ces derniers temps. D'après les notes du livret, les flûtes, toujours par paires (une mâle et une femelle), sont jouées uniquement lors de certaines cérémonies bien précises (initiations, mariages...). Seuls les hommes ont le droit d'en user et même de les voir ou de les conserver. Leur interprétation est accompagnée de percussions sur des tambours à fentes, des garamuts décorés, et parfois de chants. Les sons de flûtes correspondent aux voix des esprits qui communiquent leurs pouvoirs aux humains. Le rôle et le statut des musiciens, par la médiation qu'ils apportent, sont donc très importants. D'ailleurs, l'apprentissage de l'instrument nécessite de nombreuses années.
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En dehors de ces considérations, leur musique est d'une beauté à couper le souffle. L'alternance entre divers interprètes (un souffle tandis que le suivant inspire et ainsi de suite) induit des structures cycliques qui évoquent par moments les musiques minimalistes occidentales les plus hypnotisantes. Langoureuses, s'épanouissant dans la durée, ces plages évoquent un monde étrange et (presque) éteint où la magie joue un rôle capital. Une musique de début et de fin du monde parfaite pour s'évader, ailleurs que dans les officines de l'exotisme bon marché...
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1 commentaire:

Bartabaze R. a dit…

Et pour ceux qui voudraient visiter la cuisine de David Toop apès le salon, et rencontrer le chien après le chat :

http://www.vimeo.com/4863417

et tant qu'on y est, sound in context :

http://www.vimeo.com/6033559

B.