Des livres bouleversent en même temps qu'ils apprennent à voir.
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Le dépaysement. Voyages en France (2011) de Jean-Christophe Bailly. Extrait du premier récit:
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"Bordeaux, la maison Larrieu, au numéro 51 de la rue Sainte-Colombe, entre la Grande Cloche et le cours d'Alsace-et-Lorrain. Jean-Louis Larrieu, l'actuel directeur de la firme - car il s'agit bel et bien d'une fabrique -, n'aime pas que l'on parle de boutique. C'est comme cela pourtant que, par des objets présentés derrière des vitrines donnant sur la rue, s'annonce cette maison et que se manifeste le pouvoir qu'elle a d'arrêter le passant : car ce que l'on y voit, et ce que l'on en devine, est extraordinaire. Je n'en connais en tout cas pas d'autre exemple en France, ou en Europe. Il s'agit d'une fabrique de filets, de nasses et, plus généralement, de tout ce qui sert ou peut servir à attraper des animaux vivants ou à les faire venir, les faire approcher : par conséquent un ensemble exubérant d'objets ayant à voir avec la chasse et la pêche (même si les filets servent aussi à bien d'autres choses et, notamment, à protéger, dans le bâtiment par exemple) - donc des objets qui a priori ne sont pas sympathiques, puisqu'ils sont des résultats directs de la volonté humaine de maîtrise et de domination. Oui, mais voilà, ce qui s'impose et saute aux yeux, dès la rue, dès cette rue du vieux Bordeaux, c'est une science infusée du paysage, ce sont des procédures de ruse et de lecture, ce sont des affects presque inconnus et secrets, liés à des lieux éprouvés comme des territoires et parcourus depuis des siècles : appeaux imitant la grive, la caille ou le sanglier, filets à papillons, cordages, épuisettes et autres outils pour la pêche à pied, mais surtout filets et nasses de toutes tailles et de toutes sortes, à grandes ou à petites mailles, extensibles, souples, articulés."
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Le dépaysement. Voyages en France (2011) de Jean-Christophe Bailly. Extrait du premier récit:
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"Bordeaux, la maison Larrieu, au numéro 51 de la rue Sainte-Colombe, entre la Grande Cloche et le cours d'Alsace-et-Lorrain. Jean-Louis Larrieu, l'actuel directeur de la firme - car il s'agit bel et bien d'une fabrique -, n'aime pas que l'on parle de boutique. C'est comme cela pourtant que, par des objets présentés derrière des vitrines donnant sur la rue, s'annonce cette maison et que se manifeste le pouvoir qu'elle a d'arrêter le passant : car ce que l'on y voit, et ce que l'on en devine, est extraordinaire. Je n'en connais en tout cas pas d'autre exemple en France, ou en Europe. Il s'agit d'une fabrique de filets, de nasses et, plus généralement, de tout ce qui sert ou peut servir à attraper des animaux vivants ou à les faire venir, les faire approcher : par conséquent un ensemble exubérant d'objets ayant à voir avec la chasse et la pêche (même si les filets servent aussi à bien d'autres choses et, notamment, à protéger, dans le bâtiment par exemple) - donc des objets qui a priori ne sont pas sympathiques, puisqu'ils sont des résultats directs de la volonté humaine de maîtrise et de domination. Oui, mais voilà, ce qui s'impose et saute aux yeux, dès la rue, dès cette rue du vieux Bordeaux, c'est une science infusée du paysage, ce sont des procédures de ruse et de lecture, ce sont des affects presque inconnus et secrets, liés à des lieux éprouvés comme des territoires et parcourus depuis des siècles : appeaux imitant la grive, la caille ou le sanglier, filets à papillons, cordages, épuisettes et autres outils pour la pêche à pied, mais surtout filets et nasses de toutes tailles et de toutes sortes, à grandes ou à petites mailles, extensibles, souples, articulés."
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