La lecture de cette brillante synthèse sur La civilisation rurale (écrite en 1972 par l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie et rééditée récemment chez Allia) tombe à point. Habité comme on l'était par Le temps des grâces de Dominique Marchais, la trilogie Profils paysans de Raymond Depardon ou encore les films d'Ariane Doublet (rassemblés récemment par les éditions Montparnasse), on souhaitait trouver un contrepoint au sentiment d'achèvement et de perte qu'inspirent nos campagnes. Démographie, habitat, transformation du territoire et relations de pouvoir... Voici quelques points d'accès usés par Le Roy Ladurie pour cerner cette civilisation qui, qu'on le veuille ou non, qu'elle soit morte ou pas, a fondé une part de ce que nous sommes. On en livre ici les quelques dernières phrases, s'achevant sur une note d'espoir, dont on ne sait si elle peut encore être entretenue quarante ans plus tard...
"Depuis 1915-1920, cependant, on assiste à la mort lente, ou du moins à la décrépitude de la "civilisation rurale" qui vient d'être décrite : celle-ci connut son apogée au moment même du plafond démographique de nos campagnes, vers le milieu du XIXe siècle. Son déclin rapide commence surtout vers 1915-1920 : car la guerre de 1914 a exterminé chez nous la jeunesse mâle de villages entiers ; et puis plus "efficace" encore, la technologie industrielle (et agricole) a chassé la main d’œuvre des campagnes vers les villes. Simultanément, les mass media de la presse écrite, de la radio et de la télévision substituent à l'ancien folklore des laboureurs, le folklore plus frappant des bandes dessinées, et de la violence citadine. Les fermiers veulent des réfrigérateurs, et non plus des contes de fée.
On ne doit pas - bien entendu - regretter ces intrusions, car il serait absurde d'affirmer le caractère idyllique de la civilisation rurale (celle-ci était bâtie, on doit le reconnaître, sur la misère du plus grand nombre). La civilisation rurale cependant n'est pas encore décédée de sa belle mort ou de sa laide mort. Elle survit plus ou moins, même aujourd'hui, dans les sociétés surdéveloppées du monde occidental, d'une existence minoritaire et végétative. Elle n'y a peut-être pas dit son dernier mot."
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