En plus d'offrir des disques renversants (il faudra d'ailleurs bientôt y revenir), le label La Nòvia, en s'intéressant à un répertoire qu'on qualifiera de traditionnel faute de mieux, fait découvrir des figures méconnues. Ainsi de La Baracande, groupe issu de la rencontre de Toad et Basile Brémaud autour des chansons de Virginie Granouillet (1878-1962), dite La Baracande. Les origines de ce surnom ne sont pas certaines. La Baracande, ce serait
l'épouse du Barracand, celui qui fabrique et/ou vend du baracan, une
grosse étoffe de laine. Cette dentellière de Mans (canton de Vorey en Haute-Loire) est considérée comme une des dernières représentantes des chanteurs auvergnats d'autrefois. C'est à ce titre qu'elle est longuement enregistrée à la fin de sa vie par Jean Dumas (1924-1979), un professeur d'italien pratiquant le collectage des chansons populaires à l'aide d'un magnétophone Stuzzi, dès 1945. Cent-quarante chansons de Virignie Granouillet ont été ainsi captées et sont désormais écoutables en ligne ici, sur le site du patrimoine oral auvergnat.
Et c'est un trésor. Pour citer cette page : "L’art de Virginie Granouillet est tellement façonné, poli, à force de
pratique, qu’on en saisit d’emblée l’essentiel : derrière la voix de la
chanteuse, on entend en palimpseste toutes les voix qu’elle a entendues
et qui ont chanté avant elle." La chanteuse traditionnelle apparaît ainsi comme un "feuilletage de temps", dont les gestes, le chant, sont bien plus anciens qu'elle (ce sont ceux de sa mère, de sa grand-mère, de son arrière-grand-mère et ainsi de suite). La Baracande est donc bien un "fantôme" au sens où l'entend Georges Didi-Huberman.
Parmi ces morceaux, notre attention a été attirée (grâce à son incroyable interprétation par le groupe La Baracande, de La Nòvia, à écouter ici) par Là-haut là-haut dedans la tour, un sommet de poésie cruelle qu'on dirait issu du fonds des âges (et c'est d'ailleurs plus que probablement le cas - voir les différentes versions, d'origine médiévale, de La fille au roi Louis, La fille du roi dans la tour, La fille du roi Loys...). On peut écouter la version de Virginie Granouillet ici, en voir la fiche descriptive rédigée par Jean Dumas ci-dessus et en lire le texte ci-dessous.
"Là haut
là haut dedans la tour
Y a une
princesse à mes amours
Elle
voulait se marier
Son père
voulait l'empêcher
Son père
il a dit au geôlier
Mettez ma
fille dans la prison
Dans la
plus basse de la tour
Qu'elle
n'y voit ni nuit ni jour
Mais au
bout de sept ans passés
Son père
va la visiter
Bonjour
ma fille comment ça va
Oh mon
papa ça va très mal
J'ai un
côté mangé des vers
Mes pieds
sont pourris dans les fers
Oh mon
papa si vous aviez
Quatre ou
cinq sous pour me donnez
Je les
donnerai au geôlier
Il me desserrerait
mes pieds
Oh oui ma
fille nous en avons
Non pas
des mille mais des millions
Si tes
amours veulent changer
J'ai de
l'argent à te donner
Avant de
changer mes amours
J'aime
mieux périr dans la tour
Dedans la
tour tu périras
Dedans la
tour tu resteras
Son amant
Pierre passe par là
Lui jette
une lettre de haut en bas
Il(e) lui
a mis pour écrit :
Faites la
morte ensevelie
La belle
est morte c'est tout dit
Il faut
la faire ensevelir
Dans la
chapelle de Saint-Louis
Il faut
la faire ensevelir
Il avait
cent prêtres autant d'abbé
Qui sont
venus pour l'enterrer
Son père
qui était là dernier
Pleurant
sa fille Marion
Qui était
morte dans la prison
Arrête
prêtre arrête abbé
C'est ma
mignonne que vous portez
C'est ma
mignonne que vous portez
Morte ou
en vie j'veux lui parler
Il n'a
coupé le drap de lin
Avec un
couteau d'argent fin
Et son
amant lui ayant sourit
La belle
s'est mise à rire"
2 commentaires:
Le lien vers l'enregistrement original a changé:
http://patrimoine-oral.org/dyn/portal/index.seam?binaryFileId=6416&page=alo&fonds=&aloId=15619&actionMethod=dyn%2Fportal%2Findex.xhtml%3AdownloadAttachment.download&cid=110
ou, mieux, pointer sur la notice entiere:
http://patrimoine-oral.org/dyn/portal/index.seam?aloId=11897&page=alo&fonds=&cid=110
C'est changé. Merci !
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