Ici, on trouvera l'intégrale de l'ouvrage fascinant d'Emile Agnel Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Age. Procès contre les animaux (Paris, 1858). Y sont recensés quantité de procès qui, jusqu'au 18e siècle, ont mis en cause de nombreux animaux d'espèces diverses (porcs, vaches et chevaux, mais aussi mouches, sauterelles et poissons). Ces jugements, très proches dans leur forme de ceux que pouvaient encourir les humains, entraînaient parfois la mise à mort et même l'excommunication des bêtes condamnées. Quelques extraits du livre ci-dessous :
"L'exécution était publique et solennelle; quelquefois
l'animal paraissait habillé en homme. En 1386
une sentence du juge de Falaise condamna une truie à
être mutilée à la jambe et à la tête, et successivement
pendue pour avoir déchiré au visage et au bras et tué
un enfant. On voulut infliger à l'animal la peine du
talion. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville,
en habit d'homme; l'exécution coûta dix sous dix deniers
tournois, plus un gant neuf à l'exécuteur des
hautes œuvres. L'auteur de l'Histoire du duché de
Valois, qui rapporte le même fait, ajoute que ce gant
est porté sur la note des frais et dépens pour une
somme de six sous tournois, et que dans la quittance
donnée au comte de Falaise par le bourreau, ce dernier
y déclare qu'il s'y tient pour content et qu'il en quitte le
roi notre sire et ledit vicomte. Voilà une truie condamnée
bien juridiquement!"
«Un fermier de village de Moisy laissa échapper
un taureau indompté. Ce taureau ayant rencontré un
homme, le perça de ses cornes; l'homme ne survécut
que quelques heures à ses blessures. Charles, comte de
Valois, ayant appris cet accident au château de Crépy,
donna ordre d'appréhender le taureau et de lui faire
son procès. On se saisit de la bête meurtrière. Les
officiers du comte de Valois se transportèrent sur les
lieux pour faire les informations requises; et sur la
déposition des témoins ils constatèrent la vérité et la
nature du délit. Le taureau fut condamné à être pendu.
L'exécution de ce jugement se fit aux fourches patibulaires
de Moisy-le-Temple. La mort d'une bête expia
ainsi celle d'un homme.
«Ce supplice ne termina pas la scène. Il y eut appel
de la sentence des officiers du comte, comme juges
incompétents, au parlement de la Chandeleur de 1314.
Cet appel fut dressé au nom du procureur de l'hôpital
de la ville de Moisy. Le procureur général de l'ordre
intervint. Le parlement reçut plaignant le procureur de
l'hôpital en cas de saisine et de nouvelleté, contre les
entreprises des officiers du comte de Valois. Le jugement
du taureau mis à mort fut trouvé fort équitable;
mais il fut décidé que le comte de Valois n'avait aucun
droit de justice sur le territoire de Moisy, et que les
officiers n'auraient pas dû y instrumenter.»"
"La consultation de Chasseneuz (...), acquit à son auteur, qui
n'était alors qu'avocat à Autun, une grande réputation
comme jurisconsulte; elle lui valut, vers 1510, d'être
désigné par l'officialité d'Autun, comme avocat des
rats et de plaider leur cause dans les procès qu'on intenta
à ces animaux par suite des dévastations qu'ils
avaient commises en dévorant les blés d'une partie du
territoire bourguignon.
Dans la défense qu'il présenta, dit le président de
Thou, qui rapporte ce fait, Chasseneuz fit sentir
aux juges, par d'excellentes raisons, que les rats n'avaient
pas été ajournés dans les formes; il obtint que
les curés de chaque paroisse leur feraient signifier un
nouvel ajournement, attendu que dans cette affaire il
s'agissait du salut ou de la ruine de tous les rats. Il
démontra que le délai qu'on leur avait donné était trop
court pour pouvoir tous comparaître au jour de l'assignation;
d'autant plus qu'il n'y avait point de chemin
où les chats ne fussent en embuscade pour les prendre.
Il employa ensuite plusieurs passages de l'Écriture
sainte pour défendre ses clients, et enfin il obtint qu'on
leur accorderait un plus long délai pour comparaître.
Le théologien Félix Malléolus, vulgairement appelé
Hemmerlin, qui vivait un siècle avant Chasseneuz et
qui avait publié un traité des exorcismes, s'était
également occupé, dans la seconde partie de cet ouvrage,
de la procédure dirigée contre les animaux. Il
parle d'une ordonnance rendue par Guillaume de Saluces,
évêque de Lausanne, au sujet d'un procès à
intenter contre les sangsues, qui corrompaient les eaux
du lac Léman et en faisaient mourir les poissons. Un
des articles de cette ordonnance prescrit qu'un prêtre,
tel qu'un curé, chargé de prononcer les malédictions,
nomme un procureur pour le peuple; que ce
procureur cite, par le ministère d'un huissier, en présence
de témoins, les animaux à comparaître, sous
peine d'excommunication, devant le curé à jour fixe.
Après de longs débats cette ordonnance fut exécutée le
24 mars 1451, en vertu d'une sentence que l'official de
Lausanne prononça, sur la demande des habitants de
ce pays, contre les criminelles sangsues, qui se retirèrent
dans un certain endroit qu'on leur avait assigné,
et qui n'osèrent plus en sortir.
Le même auteur rend compte aussi d'un procès intenté
dans le treizième siècle contre les mouches cantharides
de certains cantons de l'électorat de Mayence,
et où le juge du lieu, devant lequel les cultivateurs les
avaient citées, leur accorda, attendu, dit-il, l'exiguïté de
leur corps et en considération de leur jeune âge, un
curateur et orateur, qui les défendit très dignement et
obtint qu'en les chassant du pays on leur assignât un
terrain où elles pussent se retirer et vivre convenablement.
«Et aujourd'hui encore, ajoute Félix Malléolus,
les habitants de ces contrées passent chaque
année un contrat avec les cantharides susdites et abandonnent
à ces insectes une certaine quantité de terrain,
si bien que ces scarabées s'en contentent et ne
cherchent point à franchir les limites convenues.»"
"Sentence du grand vicaire de l'église de Mâcon,
donnée à Beaujeu le 8 septembre 1488, sur les plaintes
de plusieurs paroissiens. Même mandat aux curés de
faire trois invitations aux limaces de cesser leurs dégâts,
et faute par elles d'obtempérer à cette injonction,
de les excommunier."
2 commentaires:
Quand je pense que j'ai procédé ce dimanche, au coucher du soleil, à une mise à mort de limaces, transformant une cinquantaine d'individus en une centaine de demi-individus, à coups frénétiques de ciseaux, sans toutefois donner l'opportunité aux bestioles de se défendre devant un juge, j'ai honte.
Entre nature et culture, vous avez décidément choisi cher Rutabaga.
Mais ne croyez pas que ce crime restera impuni ! La métempsychose guette et menace...
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