samedi 8 février 2014

Le terril (12)



Petit, j'étais fasciné par ces histoires de tunnels censés traverser le centre de la terre. Les roches en fusion n'existaient pas encore et les mondes merveilleux couvés par l'écorce terrestre paraissaient bien plus prometteurs que d'hypothétiques contrées lunaires ou martiennes. Et tout était sous nos pieds. Il m'aurait suffi d'un saut pour rejoindre une Chine dont on attendait la réveil en tremblant, des îles qui pouvaient encore être désertes, des jungles électriques. Un jour, il a bien fallu se résoudre : au point antipodal du lieu de nos vies se trouvait juste une grande étendue d'eau, au large de la Nouvelle-Zélande. Nulle terre où accoster donc, et comme à son habitude, le voyage s'achevait avant d'avoir commencé. Il y a peu pourtant, j'ai découvert sur le terril un tuyau mystérieux. Quand on en approche l'oreille se laisse deviner une musique à chaque fois différente : des bambous qui pleurent sur les îles Salomon, une symphonie poitrinaire d'un village Aka, le yodel ivre d'un berger suisse porteur de fouet, un blues tapant le point sur la table dans une prison du Texas, les vents terribles de Patagonie. Le plus beau disque y tourne sans fin. Et sauter dans le tunnel en quête d'ailleurs consiste désormais à tendre l'oreille. J'y retourne souvent et m'interroge. Et si l'usage sonore du monde, ce n'était que cela, rêver en culottes courtes à ce qu'il y a de l'autre côté ? 
En avant.

Aucun commentaire: