" Un chasseur, du nom de Michael
Hulzögger, raconte un almanach de la région, partit un jour d’été
de l’année 1738 pour la forêt de l’Untersberg. Il ne revint
pas, et ne se montra nulle part ailleurs. On tint finalement qu’il
s’était perdu ou qu’il était tombé d’une paroi rocheuse.
Quelques semaines plus tard, son frère fit dire une messe pour le
disparu, aux communaux où se trouve un pèlerinage aux environs de
la montagne. Or, durant la messe, le chasseur entra dans l’église
pour rendre grâce à Dieu de son retour miraculeux. Mais de ce qui
lui était arrivé, de ce qu’il avait appris dans la montagne, il
ne souffla mot, il resta muet et grave, et déclara qu’il n’y
avait rien à dire de plus que ce qu’avait écrit là-dessus
Lazarus Gitschner : les enfants et petits-enfants ne devaient en
apprendre guère plus. Ce Lazarus Gitschner pourtant n’avait rien
vu qu’une galerie sous le Königsee et l’empereur Frédéric,
devenu fantôme sur le Welserberg, aussi un livre avec des prophéties
et tout ce qui était déjà par ailleurs entré dans les légendes.
Impossible de tirer autre chose du chasseur. Mieux, en pleine
contradiction avec sa nature antérieure, il devint bientôt
complètement muet. L’archevêque Firmian de Salzbourg avait aussi
entendu parler de la disparition et de la réapparition énigmatique
du chasseur, il le fit appeler. Mais Hulzhögger resta tout aussi
muet devant le prince de l’église ; à toutes les questions
il répondait qu’il ne pouvait ni ne devait rien dire de ses
aventures : seule la confession lui était permise. Après la
confession, l’évêque abdiqua sa charge pastorale et se tut
jusqu’à sa fin. Elle ne tarda pas à survenir pour l’un comme
pour l’autre : elle fut paisible, dit-on. "
Extrait de Ernst Bloch, Traces (Spuren), 1930 (1968 pour la traduction française chez Gallimard)
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