mercredi 1 octobre 2014

Le terril (22)


Le petit garçon ne s’attendait pas à se retrouver seul sur ces hauteurs arides. Et comme un chien accroché par une corde dans le fond d’un jardin crotté, il ne parvient pas à s’éloigner, tourne en rond, finit par japper et hurler à la lune. Pour manger, il a d’abord épuisé le contenu de son cartable : une pomme, trois tranches de pain, un morceau de fromage. Il a cueilli des mûres, usé ses dents sur quelques noisettes encore vertes. Mais où est donc Maman ? La nuit est tombée, les arbres ont étendu leurs bras sur le sol. La plénitude des soirs – le chocolat, les ours sympathiques et les chansons douces – n’est plus qu'une suite de lettres, de plus en plus floues. Le petit garçon a cherché un endroit pour se coucher, s’est ému du passage de deux rats, s’est écorché les paumes sur un tas de canettes. Il erre et il a peur. Mais où est donc Maman ? On croise souvent la route de ces hommes en loques, naufragés sous les porches et les tunnels, couchés béats dans les halls de gares. Mais ce que l’on sait moins, c’est que nos squares, nos bois et nos terrils regorgent d’enfants perdus, aux pieds tordus à force de trébucher, aux joues creusées de rigoles. En quête d’une compote en berlingot, d’une histoire de pirates ou d’une couverture ornée d’avions de couleurs, le petit garçon veut rentrer chez lui, mais le terril a faim.
En avant.

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