« Très-noble et Rd Seigneur Philippe
baron d'Eynatten de This, abbé de St-Gilles, a accordé cette place à la
compagnie des pauvres prisonniers pour sépulture aux suppliciés, bénite
l'an 1701 du temps-Thonnart et d'Engis. M.R.T.I.5 »
Les mains liées, il avance péniblement sur le sentier qu'on dit des Patients. Ceux qui souffrent, ceux qui attendent, ceux qui espèrent encore. Quand il parvient au pied du gibet, son ultime élan de résistance prend l'apparence de la panique, ou peut-être est-ce l'inverse. On le fait grimper et là, il embrasse un paysage infini du regard - son dernier - avant qu'on lui passe la corde au coup. Tandis que ses yeux voient des prairies, vergers, villages et églises au loin, son esprit est préoccupé par une image. Anecdotique, héroïque, dénuée de raison, peu importe. Tous les hommes amenés là pour mourir, des milliers sans doute, ont malgré eux éprouvé ces dernières bribes de pensée, et ce sont ainsi des récits innombrables qui ont été emportés avec eux. J'aime à penser qu'en passant là, il est possible de saisir quelques mots de ces histoires.
A une des entrées du terril commence la rue dite de la Justice. Là, durant des siècles, les condamnés étaient brûlés ou, le plus souvent, exécutés par pendaison, décapitation et supplice de la roue. Sur les hauteurs de la ville, les suppliciés pouvaient contempler une immensité qui pour eux, ne serait plus un champ de possibles. Un gibet de presque cinq mètres de haut auquel on pouvait pendre jusqu'à neuf scélérats étendait son ombre sur les environs. Les corps étaient transportés plus bas et enterrés dans le cimetière d'un ermitage discret. De ce manège macabre mais nécessaire au bon vivre des citoyens du pays, il ne reste en surface qu'une croix aux inscriptions effacées, veillant sur quelques ossements épars, dans un jardin dévolu au loisir et à l'oubli.
Si on ne peut réparer le passé, on peut toujours le rêver.
En avant.
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