jeudi 20 décembre 2012

Retour (6)


Le livre est recensé dans la revue Mouvement par Christophe Taupin, ce qui nous ravit. Ci-dessus, une illustration du "dégel des paroles" décrit par Rabelais auquel il est fait référence dans le livre et dans l'article (Illustration : Albert Robida, La science illustrée n°370 - décembre 1894).

"Tous les échos du monde 

Publiée chez Le Mot Et Le Reste, l’anthologie Field Recording, l’usage sonore du monde en 100 albums d’Alexandre Galand nous invite à croiser les chemins de zoologistes preneurs de sons, d’ethnologues luttant contre l’oubli et de porteurs de microphones dont les diverses approches convergent dans un désir commun de restituer l’inépuisable richesse de notre environnement sonore.

La fascination des hommes pour les sons qui les entourent et leur reproduction remonte à la nuit des temps. Alexandre Galand illustre ce vieux fantasme en citant François Rabelais qui dans le Quart-Livre (1552) fait assister Pantagruel au « gel » puis au « dégel », le printemps suivant, des paroles et autres bruits entendus sur le champ de bataille. Fixer les sons pour les répéter et les comprendre, mais également pour les archiver. La possibilité d’immortaliser ces précieux bruits ne verra le jour qu’à la fin du XIXe siècle, avancées techniques aidant, avec le phonographe d’Edison. Comme l’explique Galand, l’enregistrement de terrain (field recording), a germé et évolué en parallèle des innovations techniques et de la portabilité croissante des moyens d’enregistrement au fil du XXe siècle. Les premiers magnétophones Nagra apparaissent vers 1950 et, dix ans plus tard, la démocratisation des moyens d’enregistrement et des voyages ouvre ce nouveau domaine d’exploration à maints amateurs passionnés.
En juin 1998, dans la rubrique « The Primer », consacrée à un genre musical illustré de références discographiques, le magazine anglais The Wire avait sous la plume de Richard Henderson donné une vision très restrictive du field recording en le limitant à son seul pan ethnomusicologique. Selon Galand, l’enregistrement de terrain consiste en trois vastes domaines aux frontières peu marquées. Dans son anthologie, avant de se livrer à une sélection commentée de cent albums proposant autant de facettes possibles, il définit dans une longue et passionnante introduction ces trois domaines : la captation des sons de la nature, celle de la musique des hommes, et la composition. Chacune des descriptions de ces sous-genres est conclue par une interview d’un de ses protagonistes les plus marquants. S’agissant de l’audio-naturalisme, l’auteur s’attarde sur les enregistrements de chants d’oiseaux de Ludwig Koch et donne la parole à Jean C. Roché. La section dédiée à l’ethnomusicologie nous fait voyager entre le gamelan de Bali, les cérémonies mazatèques du champignon sacré au sud du Mexique et le New York de Moondog , s’attarde sur les travaux d’Alan Lomax, Deben Bhattacharya et Hugh Tracey et rappelle l’importance de labels comme Folkways, Dust-to-Digital, Topic, Ocora et Auvidis avant de poser quelques questions à Bernard Lortat-Jacob. Enfin la partie consacrée à la composition revient entre autres sur les œuvres et les approches de Luigi Russolo, Pierre Schaeffer, Walter Ruttman, Luc Ferrari, Michelle Bokanowski, Chris Watson et sur les labels Lovely Music, Wergo, Touch, empreintes DIGItales et Bruit Clair, tout en laissant la conclusion à Peter Cusack.
Cette curieuse et passionnante anthologie aborde avec une acuité stimulante les enjeux techniques, scientifiques et artistiques qui sous-tendent le field recording, multipliant les repères historiques et les citations finement choisies pour dresser au final une cartographie infiniment précise d’un champ artistique aussi fertile que méconnu. Ainsi sommes-nous désormais plus à même d’appréhender et comprendre voix et bruits, aussi infimes soient-ils, du monde dans lequel nous vivons."

Aucun commentaire: