Le livre est recensé dans la revue Mouvement par Christophe Taupin, ce qui nous ravit. Ci-dessus, une illustration du "dégel des paroles" décrit par Rabelais auquel il est fait référence dans le livre et dans l'article (Illustration : Albert Robida, La science illustrée n°370 - décembre 1894).
"Tous les échos du monde
Publiée chez Le Mot Et Le Reste, l’anthologie Field Recording, l’usage sonore du monde en 100 albums d’Alexandre
Galand nous invite à croiser les chemins de zoologistes preneurs de
sons, d’ethnologues luttant contre l’oubli et de porteurs de microphones
dont les diverses approches convergent dans un désir commun de
restituer l’inépuisable richesse de notre environnement sonore.
La fascination des hommes pour les sons qui les entourent et leur
reproduction remonte à la nuit des temps. Alexandre Galand illustre ce
vieux fantasme en citant François Rabelais qui dans le Quart-Livre
(1552) fait assister Pantagruel au « gel » puis au « dégel », le
printemps suivant, des paroles et autres bruits entendus sur le champ de
bataille. Fixer les sons pour les répéter et les comprendre, mais
également pour les archiver. La possibilité d’immortaliser ces précieux
bruits ne verra le jour qu’à la fin du XIXe siècle, avancées techniques
aidant, avec le phonographe d’Edison. Comme l’explique Galand,
l’enregistrement de terrain (field recording), a germé et
évolué en parallèle des innovations techniques et de la portabilité
croissante des moyens d’enregistrement au fil du XXe siècle. Les
premiers magnétophones Nagra apparaissent vers 1950 et, dix ans plus
tard, la démocratisation des moyens d’enregistrement et des voyages
ouvre ce nouveau domaine d’exploration à maints amateurs passionnés.
En juin 1998, dans la rubrique « The Primer », consacrée à un genre
musical illustré de références discographiques, le magazine anglais The Wire avait sous la plume de Richard Henderson donné une vision très restrictive du field recording
en le limitant à son seul pan ethnomusicologique. Selon Galand,
l’enregistrement de terrain consiste en trois vastes domaines aux
frontières peu marquées. Dans son anthologie, avant de se livrer à une
sélection commentée de cent albums proposant autant de facettes
possibles, il définit dans une longue et passionnante introduction ces
trois domaines : la captation des sons de la nature, celle de la musique
des hommes, et la composition. Chacune des descriptions de ces
sous-genres est conclue par une interview d’un de ses protagonistes les
plus marquants. S’agissant de l’audio-naturalisme, l’auteur s’attarde
sur les enregistrements de chants d’oiseaux de Ludwig Koch et donne la
parole à Jean C. Roché. La section dédiée à l’ethnomusicologie nous fait
voyager entre le gamelan de Bali, les cérémonies mazatèques du
champignon sacré au sud du Mexique et le New York de Moondog , s’attarde
sur les travaux d’Alan Lomax, Deben Bhattacharya et Hugh Tracey et
rappelle l’importance de labels comme Folkways, Dust-to-Digital, Topic,
Ocora et Auvidis avant de poser quelques questions à Bernard
Lortat-Jacob. Enfin la partie consacrée à la composition revient entre
autres sur les œuvres et les approches de Luigi Russolo, Pierre
Schaeffer, Walter Ruttman, Luc Ferrari, Michelle Bokanowski, Chris
Watson et sur les labels Lovely Music, Wergo, Touch, empreintes
DIGItales et Bruit Clair, tout en laissant la conclusion à Peter Cusack.
Cette curieuse et passionnante anthologie aborde avec une acuité
stimulante les enjeux techniques, scientifiques et artistiques qui
sous-tendent le field recording, multipliant les repères
historiques et les citations finement choisies pour dresser au final une
cartographie infiniment précise d’un champ artistique aussi fertile que
méconnu. Ainsi sommes-nous désormais plus à même d’appréhender et
comprendre voix et bruits, aussi infimes soient-ils, du monde dans
lequel nous vivons."
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